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mourmane, appuyée par une démonstration navale, s’est peu à peu étendue jusqu’à les amener à Arkhangel, d’où leurs ambassades avaient dû partir pour Kandalakcha, expulsées par les Lénine, les Trotsky et les Tchitcherine, dont les sentiments se sont exprimés assez grossièrement pour que nous n’ayons à prendre envers eux ni gants ni mitaines. Les corps tchéco-slovaques qui, avec les 15 000 cosaques de Doutoff, auraient atteint le chiffre respectable de 75 000 hommes, poursuivent à travers la Sibérie la randonnée extraordinaire qui renouvelle, en-plus grand, l’exploit de Iermak. Tandis que les Anglo-Français, renforcés de Polonais et de Serbes, rouvrent à l’action de l’Entente, par Arkhangel, la porte de la Mer-Blanche, ils maintiennent libre, dans la direction de Vladivostok, la voie du Transsibérien. A l’autre extrémité, sur la Caspienne (mais la rumeur en mériterait confirmation), un contingent britannique serait apparu, qui menacerait dans Bakou l’anarchie et la trahison holchevistes.

Toutes ces tentatives, tous ces efforts se rejoignent, se relient et se concentrent en un fait qui les domine, leur donnant la plénitude de leur sens et de leur efficacité. Le Japon s’est décidé à intervenir. C’est une intervention délibérée, réglée et exécutée en commun; ce sera une intervention limitée, qui s’interdit de tourner à l’installation. Le gouvernement japonais en fait à l’avance la déclaration solennelle. Il ne vise qu’à aider au prompt rétablissement de l’ordre en Russie, à la reprise « du cours vigoureux de la vie nationale russe; » qu’à empêcher « les empires centraux européens de consolider leurs emprises sur ce pays » et de les « étendre sans cesse vers les possessions russes d’Extrême-Orient; » qu’à frayer un passage sûr aux troupes tchéco-slovaques, entravées dans leur marche par des forces où s’enrôlent et que commandent virtuellement des prisonniers austro-allemands. « Les troupes tchéco-slovaques qui aspirent à conquérir pour leur race une existence libre et indépendante et qui épousent loyalement la cause commune des Alliés ont légitimement droit, pose en principe la déclaration de Tokio, à la sympathie et à la considération des cobelligérants auxquels leur sort ne cesse d’inspirer de profondes préoccupations. » Tel est le sentiment unanime des Alliés, européens ou extra-européens. C’est sur une démarche expresse du gouvernement des États-Unis que l’expédition de troupes japonaises à Vladivostok a été résolue, et la Chine va grossir de son appoint cette armée, où, du moins en réduction, sera figurée toute l’Entente. L’intervention qui débute a donc beau être circonscrite : elle arbore, «n quelque sorte, un haut caractère international; et il y a quelque