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renseignements qui, nous en avons la preuve, sont connus de l’ennemi : ne pas instruire celui-ci reste pour l’écrivain le plus sacré des devoirs.

On peut résumer de la façon suivante les deux opinions antagonistes relatives au canon d’accompagnement, à la lumière, — si on peut dire, — des enseignements dégagés par les opérations des quatre derniers mois, et qui n’ont fait d’ailleurs que raviver et renouveler la discussion.

Première opinion. Si les Allemands ont pu réaliser à diverses reprises la percée des fronts, c’est parce qu’ils possèdent abondamment des canons d’accompagnement de leur infanterie. Là est le secret de leurs succès heureusement éphémères et déjà balayés par le balancier oscillant de la guerre. Là est le moyen pour les Alliés de percer victorieusement le front ennemi et de finir la guerre.

Deuxième opinion. L’artillerie d’accompagnement des Allemands n’est pour rien, ou presque, dans leurs succès du premier semestre 1918. Ce genre d’engins ne saurait prétendre à être la « machine à finir la guerre. »

J’ai à dessein schématisé d’une manière un peu simpliste, les opinions en présence. En vérité, elles touchent à beaucoup d’autres problèmes, comme nous le verrons au cours de cette brève étude. En particulier, les partisans de la deuxième opinion se sont surtout recrutés parmi ceux qui croyaient la rupture des fronts impossible, leurs adversaires parmi ceux qui estimaient, au contraire, cette rupture, cette percée très possible, et qui considéraient la surprise, la rapidité du coup donné, comme la condition réalisable de cette percée et le canon d’accompagnement comme son agent nécessaire. Il faut bien reconnaître qu’à cet égard ce sont ces derniers qui avaient raison, en principe du moins, car dans les modalités il est fort contestable que l’agent essentiel des récentes surprises allemandes ait été leur canon d’accompagnement.

A la tête de ceux-là, à la tête de ceux qui se sont faits les protagonistes du canon d’infanterie, il faut placer l’ingénieur Archer. Avec une ardeur passionnée et qui n’est ni sans péril ni sans courage, avec une fougue qui ne connaît pas les obstacles, et qui peut-être eût gagné à les vouloir tourner plutôt que heurter de front, avec une passion qui route pêle-mêle, ainsi qu’un torrent tumultueux, beaucoup d’idées limpides et quelques scories, ce jeune technicien poursuit depuis trois ans une lutte sans fin en faveur de l’engin nouveau dont il a voulu doter son pays, en faveur du « canon d’infanterie. »