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leurs colonnes sur un sol mouvant et gorgé d’eau ? On l’a dit, mais l’entreprise apparaît quelque peu chimérique.

Si donc nous ne sommes pas arrêtés nous-mêmes par le mauvais état de la voie ferrée Kola Kandalakcha Kem[1], ou, — ce qui est possible, — par la destruction systématique de ce chemin de fer par des agents bolcheviks, nous arriverons les premiers à Kem et ce sera un grand point. J’observe, de plus, que pendant les mois de juillet et d’août, probablement aussi dans la première quinzaine de septembre, les communications par mer entre Kandalakcha et Kem sont faciles. On en a déjà usé, si je ne me trompe, en 1916 ou 1917, pour aller de Kola a Petrograd avant que la section Kandalakcha Kem fût achevée.

Plus près du terminus méridional de la voie qui nous occupe et tout proches de Petrograd dont ils bloquent les abords du côté de l’Est, se tiennent, parait-il, aujourd’hui des sous-marins allemands, transportés tout entiers de Viborg à Sordavala, du golfe de Finlande dans le lac Ladoga, par cette même voie ferrée dont le point extrême, au Nord, est Nurmès, dont nous parlions tout à l’heure.

Des sous-marins allemands dans le lac Ladoga ! Il faut avouer que nos adversaires font souvent preuve de l’esprit d’entreprise que n’effraie aucune difficulté, et plutôt encore que de l’ingéniosité qui tourne les obstacles, de la ténacité qui, à la longue, les surmonte. Ils y ajoutent toujours l’absolu défaut de scrupules et le mépris du droit d’autrui, ce qui à la longue se retourne contre eux et leur coûtera cher, mais qui, à la guerre, assure souvent de premiers avantages. Il est vrai que, dans le cas dont il s’agit, ils sont bien assurés que messieurs Lénine, Trotski et Tchitcherine ne protesteront pas si les sous-marins, partant des eaux septentrionales du grand lac, qui sont finlandaises, s’avancent jusque dans les eaux méridionales, qui sont russes, jusqu’à la bouche de la Neva, jusqu’à cette côte de Schlusselbourg à Saguwje dont le long canal de Petrograd à la Dwina épouse les contours.

Quant au fait même du transport d’un sous-marin, — de faibles dimensions, sans doute, — d’un point à un autre au

  1. Vers le 25 juillet, les journaux norvégiens ont affirmé qu’un détachement britannique renforcé de « gardes rouges » passés du côté de l’Entente, moyennant sans doute, quelque argent et quelque nourriture, avait occupé Kem. En tout cas, les Alliés auraient atteint Kandalakcha.