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taire, ne fût-ce que par un cri, par un soupir, elle bénit encore ; toujours :

« France sublime, sois glorifiée dans les siècles des siècles !

« Je t’embrasse et je bénis la France. »

Avant-dernier billet, à peine lisible.


13 février 1918.

« J’espère guérir. Mais assez de moi. France ! Italie ! Angleterre ! Amérique ! Vertu ! Honneur ! Gloire ! Parmi toutes les nations bénies, bénie aujourd’hui soit la France ! Dénie et bienheureuse dans l’histoire de l’humanité ! Que Dieu l’aide ! »


Ecoutons enfin, — et cette fois qu’il me soit permis de parler à notre patrie tout entière, — écoutons et recevons tous avec un pieux orgueil le suprême et sublime hommage de celui qui mourut en nous aimant :


14 mai 1918

(trois semaines avant sa mort).

« Mon très cher,

« Merci pour tes demandes anxieuses, mais, avant toute chose, je m’agenouille devant la France. »


Nous n’ajouterons pas un mot. Le poète, le musicien, l’ami que nous venons de perdre nous a prodigué les joies de l’esprit et du cœur. Nous n’en oublierons aucune. Mais la dernière, si mêlée qu’elle soit de tristesse, égale et peut-être surpasse toutes les autres. » Aujourd’hui, demain, et longtemps encore, nous verrons Arrigo Boito, cette grande figure italienne, à genoux devant notre patrie.


CAMILLE BELLAIGUE.