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sait quoi d’un peu étrange : « La Vergne, cette demoiselle, — à qui la qualité de belle — convient si légitimement, — se joignant par le sacrement — à son cher amant La Fayette, — a fini l’austère diète — qu’en dût-elle cent fois crever — toute fille doit observer. — Ce fut lundi qu’ils s’épousèrent — et que leurs feux ils apaisèrent. — Ainsi cette jeune beauté — peut dire avec que vérité — que, quand le carême commence, — elle finit son abstinence… » N’est-ce pas bien joliment dit ?… Qu’est-ce qu’il donne à entendre ? Et, au surplus, a-t-il quelque chose en tête ? On en douterait, connaissant sa manière. Mais voici d’autres malices d’un autre.

On lit, dans le Recueil des épîtres en vers burlesques de M. Scarron et d’autres auteurs sur ce qui s’est passé de remarquable en l’année 1655 : « Autre histoire. Un homme sans nom — arrive à Paris de Bourbon — vendredi, samedi s’habille — chez le fripier, voit une fille — dimanche et l’épouse lundi. — Il peut dire : Veni, vidi — et vici ; si l’on l’en veut croire, — l’on doute si cette victoire… » Ici, un vers trop déshonnête… « L’historiette, tout de bon, — n’est pas à plaisir inventée… » Tallemant, qui n’a point assez de ses méchancetés pour ne pas recueillir celles des autres, cite ou résume ces petits vers et ajoute : « Or, en ce même jour, La Fayette, toutes choses étant conclues dès Limoges par son oncle qui en est évêque, était venu ici et avait épousé Mlle de La Vergne. Le lendemain, quelqu’un, pour rire, dit que c’était La Fayette et sa maîtresse. Dans la gazette suivante, Scarron s’excusa et en écrivit une grande lettre à Ménage qui, étourdiment, l’alla lire à Mlle de La Vergne ; et il se trouva qu’elle n’en avait pas ouï parler… ». Il est vrai que, dans la gazette suivante, Scarron s’excusa ou, du moins, accusa les matins qui s’étaient donné le détestable plaisir de mettre des noms, et les noms que voilà, sous son anecdote. Il les traite de « lâches corrupteurs d’une histoire. » A l’entendre, quelle apparence y a-t-il qu’il ait appelé « homme qui n’a point de nom » et « originaire de Bourbon, » le comte de La Fayette, un homme de qualité, originaire d’Auvergne ? Et quelle apparence qu’il ait choisi pour objet de sa moquerie « une demoiselle très chère, » dont il « aime et honore » la mère, et « un homme dont l’oncle lui fut — intime ami tant qu’il vécut ? » Cet oncle, c’est, il faut croire, Philippe Emmanuel de La Fayette, le chevalier de Malte. Et Scarron se fâche. Il n’a