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secours… Je vous assure que j’aurai bien de la joie de vous y voir. » Le 4 décembre, elles sont à Paris. Sévigné, lui, toujours à Belle-Isle. Mme de Sévigné « travaille de toute sa puissance » à obtenir son retour : elle n’y parvient pas, quoiqu’elle ait mis en mouvement des gens « qui sont assez en crédit. » Le 1er janvier, les nouvelles sont meilleures, mais encore imparfaites : Paris continue d’être interdit à Sévigné, qui n’a licence que de passer l’eau et de se retirer, mais étroitement, à Champiré, « dans notre désert de Champiré, » comme écrit Mme de Sévigné à Madame Royale, « où je tâcherai de l’aller retrouver dès que j’aurai donné quelque ordre à nos misérables affaires particulières… » C’est une bonne femme. A Champiré, le chevalier s’attriste et se fâche. Il écrit à Madame Royale, le 22 janvier : « Le Roi m’a enfin permis de me retirer chez moi en sûreté : je prie Dieu que cela soit… » Il n’est pas sûr de sa sûreté… « Votre Altesse Royale voit que mes amis, ou n’ont guère de crédit, ou ont bien manqué de volonté pour me faire aller à Paris… » Et il déplore « l’infidélité des amis de cour. » Ce qui le console, c’est que « la cause de son crime n’est pas honteuse : » si peu honteuse qu’il ne voudrait pas en être innocent. « J’espère que Dieu me vengera de mes ennemis : » voilà son dernier mot. De Retz, il ne dit rien : cela, c’est fini.


Ce qui retarde le départ de Mme de Sévigné pour l’Anjou, le 1er janvier 1655, c’est, dit-elle, le soin de leurs « misérables affaires particulières. » Quelles affaires ? — Le 15 février, Mlle de La Vergne épousera M. de La Fayette. Et l’on ne s’y attendait pas : la soudaineté de ce mariage est singulière.

Mlle de La Vergne n’avait pas l’air de songer au mariage : elle semblait un peu s’établir dans sa vie de jeune fille. Le 18 septembre 1653, au milieu de sa vingtième année, elle écrivait à Ménage : « Je suis ravie que vous n’ayez point de caprice. Je suis si persuadée que l’amour est une chose incommode, que j’ai de la joie que mes amis et moi en soyons exempts… » Peut-être, au sujet de M. Ménage, qui est amoureux d’elle, cette malice l’amuse-t-elle. Mais, quant à elle, je ne crois pas du tout qu’elle plaisante : elle a peur de l’amour.

… Il y a un petit roman, de cette époque ou à peu près, qui n’est pas un chef-d’œuvre, mais qui est le signe du sentiment