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convenait pas qu’il affichât ce vif amour à l’égard d’une toute jeune mariée. Puis, le thème d’une jeune fille a qui vont ses tendresses lui ayant plu, je crois que, même après le mariage de Mlle de La Vergne, il continua d’écrire en vers Ad Mariam Magdalenam Lavernam, Per Madamigella della Vergna et A Mlle de La Vergne. C’est plus tard qu’il réunira toutes les fleurs de sa guirlande de Marie, appelée encore Phylis, ou Lycoris, ou Enone, et de tous les noms de la mythologie galante. En 1653, il prélude. Un jour, elle le remercie d’une élégie, dont elle est charmée et qu’elle a fait lire « à tous ceux qui sont venus céans. » Il la lui avait donnée ; bientôt, il la lui réclame, ayant perdu le brouillon : mais elle, ne l’a-t-elle pas perdue ? Non : « Je ne perds pas ainsi ce que vous faites à ma louange ! » Il y a deux élégies de Ménage à M1Ie de La Vergne. L’une, en latin ; c’est après avoir quitté Champiré : Quot mala sum passus, postquam tua limina liqui ! Et il se repent comme d’un crime, de s’être éloigné. Il appelle Mlle de La Vergne Domina, paiera Laverna, docta paella, mea hix ; il la compare à Laure de Pétrarque :

Laura, quid invideat, pulcra Laverna, tibi ?

Mais ce n’est pas une élégie latine que Mlle de La Vergne a donnée à lire « à tous ceux qui sont venus céans. » Il y a une élégie française Sur la fièvre de Phylis. Elle parut, sans dédicace, dans les Poemata de 1656. Sept ans après, quand Mme de La Fayette n’est plus une petite épouse et que M. de La Fayette n’a plus à montrer d’ombrage, l’élégie eut ce titre : Sur la fièvre de Mlle de La Vergne… Mlle de La Vergue est Phylis ; et M. Ménage est Evandre, qui se plaint et s’écrie :

L’orgueilleuse Phylis brûle enfin à son tour ;
Elle brûle, il est vrai, mais ce n’est pas d’amour.

Non, c’est la fièvre. Et le triste Evandre divertit sa douleur à noter longuement les contrastes d’un tel feu et des froideurs de Phylis. Je crois que ce poème date de la fin de l’année 1654, où Mlle de La Vergne fut très malade. Le 29 novembre, elle est quitte de la fièvre tierce, mais craint de tomber dans la fièvre quarte ; elle écrit a Ménage : « Si j’étais assez malheureuse pour avoir un mal aussi fâcheux et aussi long que cette maladie-là, je crois en vérité que je n’y résisterais pas, tant je suis