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le lieutenant civil, au moment qu’elle était à l’impression-Voilà le bonhomme Costar. Il n’est pas délicieux. Et il l’est encore moins si l’on remarque en lui une double nature : autant il fait, dans ses lettres et démarches mondaines, le bénin, le timide et le cérémonieux, autant ce patelin se dévoile, dans la querelle, violent, injurieux, brutal ; et sans esprit : on le savait ; sans manières : il le cachait.

Tel étant M. Costar, Mlle de La Vergue a recherché sa connaissance. Il y avait, entre elle et lui, M. Ménage, à qui sont dédiées l’Apologie et la Suite de la défense. Elle écrit à M. Costar : c’est elle qui attaque. Elle lui déclare tout net qu’elle sait bien qu’il est incomparable. Aussitôt, il est confus. Incomparable ? c’est vous, mademoiselle ! Et, dans une note qu’il joint à sa lettre publiée, il assure que, Mlle de La Vergne, « on la nommait ordinairement l’Incomparable. » Je ne sais pas s’il l’invente, et je n’ai pas trouvé ailleurs la mention d’un sobriquet si flatteur[1]. Mais il y tient : « Je reçois de votre courtoisie une qualité qui vous appartient, que les justes distributeurs de la réputation et de l’estime vous ont affectée et qui ne vous est pas moins propre, à cette heure, que votre nom… » Et il s’étend là-dessus, avec une terrible longueur. Il n’a pas le badinage de Voiture, et il n’a pas l’éloquence de Balzac ; mais, recherchant l’une et l’autre, il est rhétoriqueur et futile.

Mlle de La Vergne pouvait en rester là. Elle ne connaissait point M. Costar que sur les propos de Ménage et sur cette lettre ennuyeuse. Mais elle continuel Elle écrit à M. Costar, et sans doute n’ayant rien à lui dire, car il n’a rien à lui répondre. La lettre de Mlle de La Vergne est perdue. Celle de M. Costar, M. Costar l’a imprimée. Elle ressemble à la précédente et ressemble à tout ce qui est sorti de la plume de M. Costar, quand il n’injurie pas M. de Girac. C’est une lourde fadaise. Il compte Mlle de La Vergne parmi « les personnes extraordinaires qui ont l’approbation de la cour et de ce que nous appelons le beau monde. » Elle lui a dit qu’elle était bonne ; elle lui a demandé son amitié… Certes, il la donne, et de grand cœur, flatté, reconnaissant, joyeux. « Votre beauté… votre vertu… votre esprit… » ces mots, il les balbutierait avec émoi, s’il n’écrivait à loisir et s’il n’avait accoutumé d’emmitoufler sa pensée sous

  1. Costar prétend qu’il tient ce renseignement de Marigny, frondeur et chansonnier.