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héroïques faits d’armes eût été, — on devine avec quelle peine j’ai résisté à la tentation, — allonger singulièrement cette simple étude des grands ; traits de la bataille. C’est précisément parce que, des combats de Carlepont, à l’extrême Ouest du massif, aux combats des soldats de d’Esperey à l’extrême Est, cinquante régiments et bataillons se distinguèrent, que cette étude sommaire s’en fût trouvé alourdie, — alourdie de gloire, à la vérité. Notre dessein devait nous rendre sobre : il ne nous permet pas d’être injuste. En face de positions naturelles formidables, qu’après quatre jours de combat l’ennemi commençait à rendre plus formidables encore, placés sous le feu d’une artillerie lourde indestructible, fatigués par vingt jours et plus de marches et de combats incessants, démunis de ce qui devenait nécessaire à cette guerre de positions (« seules, ai-je lu dans une notice de régiment, des tranchées ébauchées avaient été creusées, au cours de la lutte, avec les outils portatifs »), très souvent inférieurs en nombre, nos soldats ne le furent pas une heure en valeur, arrachant par leur héroïsme et leur « maîtrise » à l’ennemi des cris d’admiration : « Les Français sont maîtres dans les combats de la rue comme dans les combats où ils peuvent s’appuyer sur un obstacle, » écrit de La Ville-au-Bois un officier saxon. Il eût fallu se pouvoir appuyer partout sur un obstacle et avoir, pour le créer au besoin, d’autres instruments que « des outils portatifs. » Il fut toujours un outil portatif dont nos hommes se servirent merveilleusement : leur baïonnette. À plusieurs reprises, le découragement constaté de l’ennemi au lendemain d’un de nos assauts heureux était leur plus belle justification. Et conscients de la force que donne un « moral » que les chefs, même à la fin de la bataille, déclaraient « excellent, » ils s’étaient, à la voix de ceux-ci, jetés aux assauts les plus périlleux avec un courage vraiment prodigieux.

Il était ainsi avéré que le soldat français restait ce que le pays de l’Aisne l’avait toujours vu. Fils tout à la fois de ces légionnaires latins qui avaient vaincu, par la stricte observance de la discipline, du camp de César aux rives de l’Oise, de ces Gaulois qui intrépidement venaient, devant la Miette, provoquer au combat ces soldats invaincus, et de ces Francs de Clovis qui avaient, devant Soissons, vaincu ces mêmes Romains dont ils allaient retremper la race dégénérée ; fils des soldats que s’opposaient, jusqu’à balancer un siècle entier la fortune,