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de bronze aux attaques sur les lisières Nord du bois de Beau Marais.

C’était sur toute la ligne un sursaut d’héroïsme. On n’avait pu rejeter l’ennemi sur l’Ailette ; du moins, ne passerait-il pas l’Aisne. C’est ce soir-là qu’un soldat allemand du 100e d’infanterie écrit de la Ville-au-Bois : « Il n’y a pas moyen de les déraciner. Ils ont de grosses pertes, mais nous aussi… Tous ici, nous en avons pardessus la tête de la guerre. » Dans la nuit du 26 au 27, toute la journée du 27, les Allemands, infatigablement, déferlaient sur l’isthme d’Hurtebise : chacune de leurs attaques était, ou clouée sur place par nos feux, ou repoussée violemment à la baïonnette. Sous un bombardement sans précédent, les soldats de Maud’huy barraient la route, superbes de résolution et d’entrain guerriers, tandis qu’à la droite de d’Esperey, le général Hache maintenait imperturbablement son front. Les attaques furieuses de l’ennemi continuaient le 28, le 29, sans plus de succès. Et le 30, nos soldats, après ces journées effroyables, n’hésitaient pas à se jeter en avant ; de hardies reconnaissances se portaient vers le Nord : c’était d’ailleurs pour « constater que l’ennemi était toujours en force devant nous. » Dans ces conditions, d’Esperey jugeait « inutile de continuer l’offensive. » « Le 1er octobre, lit-on dans l’historique du corps, le 18e corps reprit sa mission antérieure : tenir et durer jusqu’à la reprise de l’offensive générale. Il devait la conserver plus de quatre mois. »

Le vaillant corps pouvait prendre sa large part des félicitations que, dès le 28, le général Joffre adressait aux troupes du général d’Esperey : « Depuis deux semaines, écrivait le général en chef, les troupes de la 5e armée, placées dans des conditions difficiles, repoussent victorieusement les attaques d’un ennemi supérieur en nombre dans des combats continuels de jour comme de nuit. Elles ont montré, sous la conduite de chefs intrépides, une bravoure et un entrain qui ne se sont pas un instant démentis. »

Cet ordre du jour fermait la première bataille de l’Aisne de la grande guerre, au cours de laquelle nos soldats avaient montré, dans les plus défavorables conditions, un héroïsme, sinon fécond en très grands résultats, du moins gros de promesses pour l’avenir du pays. Lorsque, en 1917, ce plateau, déjà témoin, depuis des siècles, de tant de valeureuses actions,