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French à pousser le corps Haig et d’une façon plus certaine, on attendait l’intervention, entre Pontavert et Berry-au-Bac, du 1er corps français, rappelé du Sud. Aussitôt que celui-ci serait entré en ligne, le corps Maud’huy attaquerait hardiment sur le plateau Nord, vers Chermizy et Bouconville ; cependant le 1er corps français essaierait d’enlever Craonne et Corbeny. Le 10e corps qui, dans la nuit, emportait la Pompelle à l’extrême droite du front de d’Esperey, serait à son tour porté vers le Nord et il, semblait qu’un effort sérieux allait être enfin tenté pour déborder par l’Est le plateau que la 6e armée n’arrivait pas à déborder vers l’Ouest.

Malheureusement, dans la nuit du 17 au 18, le 3e corps perdit le château de Brimont : violemment attaqué sur la rive Ouest du canal de l’Aisne à la Marne, il s’y maintenait difficilement dans la matinée du 18, puis était en partie refoulé jusqu’à la route nationale. Cet incident paraissait grave parce qu’il posait derechef devant le commandant de la 5e armée un problème qui lui paraissait décidément insoluble. Comment livrer bataille sur deux fronts qui, à Berry-au-Bac, se coudaient au point de faire presque angle droit ? Dès qu’il porterait ses corps vers le front de l’Aisne et la direction de Laon, son flanc droit, dégarni, serait attaqué, entamé, comme il venait de l’être, peut-être refoulé et toute la droite de l’armée alliée serait ainsi tournée. Quant à en finir par une seule opération avec les hauteurs fortifies « bastionnées » de Brimont-Nogent-l’Abbesse, dont la seule possession assurerait sa droite, il n’y fallait pas songer : outre l’importance de ses travaux, l’ennemi avait l’avantage d’une artillerie lourde que nous ne pouvions contre-battre. Sans doute, la 9e armée, étendant vers le Sud de Reims son secteur de bataille, pourrait-elle prendre à son compte la défense d’une partie du front d’Esperey. Mais la perte du château de Brimont et du canal obligeait le 10e corps, en marche vers le Nord, à s’arrêter dans cette région pour appuyer le 3e.

Les ordres d’attaque hardie donnés aux 18e et 1er corps devenaient donc presque imprudents si, par surcroit, les Anglais ne collaboraient point avec notre gauche. En fait, ces corps n’attaquèrent pas. Les éléments avancés du 18e corps parvenus sur l’Ailette furent refoulés : les troupes étaient fatiguées par cinq jours de bombardement et de combats ; il fallait opérer des relèves. En face des deux corps, des forces