Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attendant qu’une autre équipe ait fini son travail ; un manque de coordination entre les appareils ; une accumulation de déchets et de rebuts, etc…

La plupart des progrès que l’on peut réaliser dans tous ces ordres d’idées correspondent à une introduction des méthodes scientifiques dans l’usine et à l’application en grand des procédés rationnels, réservés trop longtemps au laboratoire. L’idée dont il faut commencer par s’inspirer est que l’empirisme industriel a fait son temps et que tout défaut de fabrication a une cause, dont on doit pouvoir se rendre compte et à laquelle on doit pouvoir porter remède par les méthodes et avec les instruments empruntés au physicien ou au chimiste. La révolution scientifique du XIXe siècle s’est produite quand on a admis que les phénomènes naturels étaient déterminés et obéissaient à des lois, quand on a supprimé comme explication le mot hasard, quand on a appliqué partout des instruments de mesure. L’industrie franchit, en ce moment, la même étape. Les appareils de laboratoire, simplifiés, vulgarisés, rendus d’une lecture courante et facile, envahissent l’usine, comme ils ont pris place dans le matériel de guerre. On n’a plus le droit d’ignorer l’usage d’un pyromètre et d’une bombe calorimétrique, quand on brûle des combustibles dans un four ; il n’est plus permis d’employer des termes vagues comme rouge blanc, rouge vif, rouge sombre, ou de se borner à dire qu’un charbon est plus ou moins dur ou donne un coke plus ou moins collant. Les sciences nouvelles, comme l’électricité, qui ne traînent pas derrière elles leur passé, ont pris de suite cette allure de rigueur et de netteté scientifique qui doit s’introduire partout à leur exemple. Tout phénomène inattendu, tout accident doivent être étudiés, expliqués et classés, au lieu d’être attribués à une cause indéfinissable, de manière à en éviter le retour. L’usine moderne comporte, en conséquence, un laboratoire, un service d’études scientifiques, une bibliothèque abondante et bien fournie en revues techniques de toutes langues, des systèmes méthodiques de répertoires et de fiches, qui ne seront pas seulement réservés aux comptes des clients ou des fournisseurs, mais à tout ce qui intéresse la vie de l’usine.

Cette évolution doit nous être particulièrement facile en France ; car la plupart des appareils et des méthodes qu’il s’agit ainsi d’utiliser ont été trouvés par des savants français. Il suffit