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Depuis notre retour de Russie, quelques-uns de nos camarades, laissés derrière nous pour diverses raisons, ont pu rejoindre, eux aussi, la France et apporter quelques renseignements sur les premiers événements survenus depuis l’arrivée des Allemands. D’ores et déjà, nous savons qu’ils ne pourront rien tirer cette année de la Russie, les champs n’ayant pas été ensemencés ; le danger de l’infiltration n’en est pas moins certain : étant parvenus à envoyer pas mal de marchandises de première nécessité en Russie, au lieu de faire rentrer chez eux des billets, faux pour la plupart et sans aucune valeur, ils font acheter par leurs agents tout ce qui est valeur industrielle, et à des prix invraisemblables. De sorte que d’ici fort peu de temps, tramways, chemins de fer, usines, tout sera virtuellement en leur pouvoir.

Nous avons confiance qu’un tel état -de choses ne saurait durer. D’ailleurs des hommes tels que le général Berthelot et le général Janin ont laissé de tels souvenirs partout où ils sont passés, que le jour où ils lèveront le drapeau de ce qu’on peut appeler « la résurrection de la Russie » ce ne sont pas des milliers, mais des millions d’hommes qui se redresseront et viendront se grouper autour d’eux. A leur valeur personnelle et à leur science s’ajoute le prestige du nom français qui n’a cessé d’être aimé et respecté à la ville et dans les camps aussi bien que dans la plus humble chaumière.

Le réveil sera dur, car le pangermanisme a cherché partout à s’enraciner, et nous trouverons en maints endroits trace de son passage. La Russie, par la faute des politiciens aidés par les Allemands, nous a abandonnés à un moment critique de la guerre. Je resté quand même persuadé qu’au jour de l’assaut final, elle sera de nouveau à nos côtés, — si nous voulons nous donner la peine de l’aider à se ressaisir.


Lieutenant Louis SERS.