Ce n’est pas ici un chapitre d’histoire politique. M’étant trouvé en Russie au moment où la Révolution venait d’éclater, j’ai noté, pendant l’année que j’y ai passée, les faits qui m’ont le plus frappé : ce sont ces notes, prises au jour le jour par un témoin, que je transcris.
Le jour J, qui fut pour nous le 21 mars, nous trouva tous réunis sur le quai de la gare de Lyon, où la mission d’aviation française en Russie devait se grouper avant son départ. Le bruit courait de l’abdication du Tsar en faveur de son fils, qui devait régner sous la tutelle d’un des grands-ducs : l’événement, nous disait-on, s’était produit sous la pression de l’opinion publique qui exigeait que la guerre fût menée plus énergiquement. Tout semblait donc pour le mieux : enfin nous allions assister à cette guerre de mouvement, attendue depuis si longtemps ! D’ailleurs le ministère avait laissé carte blanche à notre chef de mission, le commandant Berger, qui ne s’était pas fait faute de choisir les meilleurs pilotes, — au nombre desquels figuraient même des « as », — et de leur procurer un matériel de tous points excellent. Nous espérions bien montrer à nos alliés ce que vaut l’aviation française. De Paris, nous fîmes route vers Boulogne, où la mission s’embarqua pour Folkestone.