l’infaillibilité allemande avait pris soin de tendre elle-même devant eux, ils trébuchèrent sur les positions de combat qu’avait aménagées, à contre-pente, le général Gouraud.
C’était fini, et ce ne fut pas long. La porte n’avait pas cédé. Nulle part dans toute sa largeur, elle n’était fondue ni faussée ; elle ne semblait pas avoir bougé. À peine en un seul point, non loin de la charnière, à Prunay, la pesée avait-elle marqué sa trace ; mais un coup de masse avait tout redressé. Ils n’étaient point passés, ils ne passeraient pas. Le général remerciait ses soldats avec des mots inoubliables ; et les soldats ont remercié leur général de leurs yeux où se donnait leur cœur ; mais nous, avec quels mots et de quels yeux ; remercierons-nous le général et les soldats ? Je « n’ai jamais été salué par de pareils regards, » a dit le chef glorieux. Ces regards lui renvoyaient le sien, l’étrange et fascinant regard où se réfléchit, comme en une eau bleue et profonde, la pureté d’une âme chevaleresque qui, pour l’honneur de notre race, apparente un Gouraud à un Bayard, par delà un Marceau et un Hoche.
À la droite de leur front d’attaque, les Allemands avaient eu d’abord meilleure fortune. Une de leurs armées avait réussi à passer la Marne en plusieurs points, de part et d’autre de Dormans, et à creuser sur la rive gauche une petite poche, mais étroite et plate ; elle n’avait pu « décoller » de la rivière. Leur dessein était vraisemblablement, ayant échoué sur Châlons, de s’infiltrer par la vallée vers Épernay, non sans jeter vers Montmirail une couverture qui, l’autre partie de l’opération achevée, se serait transformée en avant-garde pour la reprise de la marche sur Paris. Nach Paris ! C’était enfoncé dans toutes les têtes avec le marteau du dieu Thor, plus solidement que les clous d’or et d’argent dans la statue de Hindenburg, et ce qui est enfoncé dans une tête allemande n’en sort plus. On ne l’en arrache qu’avec le fer. L’espèce de hernie formée ainsi, en deçà de la Marne, sur les pentes de Saint-Agnan et de la Chapelle-Monthodon, aussitôt comprimée par nous, devait être bientôt réduite. Adieu, Paris !
Château-Thierry marquant, à l’Ouest, l’extrême pointe, ou à peu près, de l’avance allemande à la suite de l’offensive du 27 mai, à partir de là, la ligne remontait, en potence, vers le Nord. Dans nos deux secteurs, entre l’Aisne et l’Ourcq, armée Mangin, entre l’Ourcq et la Marne, armée Degoutte, la bataille avait été également préparée. Et préparée à la mode française, suivant les méthodes classiques, par toute une série de combats locaux qui avaient rempli la deuxième