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suivront la guerre, n’aura qu’à rester coupé, comme il l’est actuellement, en deux grands blocs économiques : ce que les Allemands, auxquels l’idée plaisait quand ils croyaient en tirer profit, appellent des Wirtschaftgebiete. Cette division étant perpétuée, la supériorité du bloc allié est immense, générale et incontestable. Même sans faire état de la Russie, notre bloc n’a, je l’ai dit, besoin de l’autre pour aucune matière essentielle, tandis que le bloc de la Mittel-Europa ne peut absolument pas se passer de nous, du moins sans être réduit, comme l’annonce M. Helfferich, à l’état d’un impotent. L’Allemagne, qui est outillée tout entière dans le sens de l’exportation intensive, serait alors amenée, — c’est tout ce que nous lui demandons, — à interrompre ou à réduire ses exportations, à sacrifier par conséquent toutes ses combinaisons industrielles qui reposent sur une fabrication démesurée à l’usage des deux mondes.

Les difficultés d’exécution réelles, auxquelles j’ai déjà fait allusion, consistent dans la gêne que comportent toutes les mesures restrictives, surtout quand elles atteignent une telle envergure, et dans le « manque à gagner » qu’entraînera souvent la cessation d’un commerce considérable avec l’Allemagne. Il y aura évidemment alors des compensations à trouver pour des pays et pour des industries dont la plupart des exportations se dirigeaient autrefois vers nos ennemis et qui vont perdre cette grosse clientèle. Une telle considération n’est pas négligeable. On ne saurait oublier que, dans une opération commerciale, chacun trouve son avantage et reçoit en définitive plus qu’il n’apporte, puisqu’il échange une marchandise qu’il possède en surabondance contre une autre dont il a besoin. La suppression définitive de tout commerce entre le bloc allié et le bloc central ne nuirait pas seulement à ce dernier, mais aux deux. Nous n’admettons pas, en effet, qu’elle puisse durer… et, si on s’en étonne, par un sentiment de réprobation légitime, on comprendra bientôt nos raisons quand nous aurons fait voir ce qu’il nous sera nécessaire de subir pour réaliser ce blocus d’après-guerre. Mais, à titre provisoire, nous croyons indispensable que les matières premières produites dans les pays alliés ne puissent, pendant un temps à déterminer (le temps de remettre à flot nos industries), aller dans aucun cas et par aucun chemin en Allemagne. Le prolongement de la