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gardera du moins ses usines largement outillées et accrues. La France, elle, se trouvera en face d’usines saccagées et pillées, obligée d’importer la plupart des produits nécessaires, avec des moyens financiers fortement atteints et une flotte commerciale réduite au néant. Pour remédier à cette situation comme pour empêcher le recommencement rapide d’une aussi abominable guerre, nous sommes amenés à nous entendre avec nos alliés afin d’obtenir un privilège sur leurs fournitures de matières premières et afin d’empêcher que l’Allemagne, librement ravitaillée, outillée d’avance, ne nous écrase. C’est ce second problème de défensive économique que nous allons étudier avec un soin particulier. — Il ne s’agit pas ici de débattre théoriquement si nous admettrons un jour les Allemands à la vie commune des peuples civilisés : c’est un sujet qu’on pourra envisager philosophiquement dans quelques années. Pour l’instant, la question est de savoir si nous voulons que la France vive ou meure. Ne pas restreindre l’arrivée des matières premières en Allemagne, ce serait d’abord tuer notre industrie, ensuite assurer à nos adversaires une telle force, qu’au bout de quelques années ils recommenceraient la bataille interrompue avec la certitude de nous anéantir.

On va voir, au contraire, que l’union homogène et inébranlable des Alliés peut, avec un peu de résolution et quelques sacrifices nécessaires, affamer cette industrie allemande, si directement appropriée à la préparation de la guerre, et réduire, par conséquent, au minimum les chances d’un nouveau conflit. L’industrie allemande vit presque totalement sur des importations de matières premières qui, pour la très grande majorité, viennent des pays alliés. Interrompre ce ravitaillement par les Alliés, c’est contraindre les Allemands à amoindrir leur commerce extérieur, c’est les réduire à se replier sur eux-mêmes, avec l’impossibilité de venir traquer et pourchasser notre commerce et le commerce de nos Alliés dans le monde entier. On ne peut même pas dire, comme contre-partie, que les producteurs de notre camp en souffriront les premiers, suivant la thèse germanique. Car, dans une foule de cas, l’Allemagne jouait uniquement le rôle d’un intermédiaire, ne produisant rien et vendant tout. Il suffira de consolider les relations directes entre le producteur et le consommateur que la guerre a déjà permis souvent d’établir, pour supprimer ce parasitisme