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qui ce jour-là attendrirent les grognards. L’artillerie de la division s’était mise en batterie ; mais les canonniers, tout jeunes, valaient les fantassins ; le gémirai Drouot qui survint en eut pitié : l’illustre artilleur, le héros de Hanau, « montrait à nos canonniers, avec autant de douceur que de sang-froid, comment on chargeait et pointait un canon. »

Infanterie et artillerie avaient tout de même si bien travaillé que le défilé était libre. Ney, par ailleurs, se liant à Victor, avait pu, après un second assaut, s’accrocher au tfanc Nord de l’isthme et, sous la pression de cette attaque, la gauche ennemie fléchit : Victor en profite pour ordonner un second bond à l’infanterie de Rebeval qui, avançant de mille mètres, se jette dans le petit bois Marion. Victor, blessé, passe le commandement à Rebeval qui, entouré de feux, voit avec désespoir ses pauvres Marie-Louise « fondre » dans cette fournaise, suivant l’expression qu’emploiera l’Empereur.

Il était urgent de les renforcer : la brigade Sparre franchit le défilé : les dragons d’Espagne débouchent sur le bois Marion, chargent les batteries, sabrent les servants, emportent les canons. À ce moment où la gauche ennemie fléchit, où son front supporte ce rude assaut, grand tumulte à sa droite ; Nansouty débouche enfin de Vassogne en haut des pentes du Trou d’Enfer ; ses escadrons, chargeant hussards et Cosaques, coupant ces cavaliers de l’armée Woronzof, les rejettent à gauche, les refoulent jusque près de Paissy, s’apprêtent à les précipiter dans les ravins quand l’artillerie de la réserve ennemie, intervenant, interrompt cette poursuite.

Il n’en va pas moins que Woronzof est fort inquiété sur ses flancs ; sans doute son centre résiste, mais qu’en restera-t-il s’il ne met fin aux attaques répétées par une contre-attaque ? Ne faut-il pas laisser à Winzingerode le temps d’arriver par Festieux sur les derrières des Français ?

Soudain l’armée russo-prussienne s’ébranle. A sa droite, elle rabat Nansouty, le ramène aux crêtes du Trou d’Enfer ; au centre, elle avance droit aux jeunes gardes de Rebeval qui tirent mal ; elle se rue à gauche, sur les soldats de Ney qui, pris de panique, et malgré les coups de plat de sabre du maréchal et ses furieux jurons, se précipitent dans la vallée de l’Ailette. En quelques moments, Woronzof a rétabli sa situation.

Le malheur est que Napoléon continue à ne pouvoir faire