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combattants, et, menée par assauts successifs d’avril à juillet, se terminer, — si on la borne à la conquête du plateau méridional, — les 24 et 25 octobre par les combats dits de la Malmaison. Il n’est donc pas trop osé de dire que la bataille, — s’il s’agit du simple massif entre Aisne et Ailette, — se sera terminée 1136 jours après avoir été engagée. L’événement est, dans l’histoire, sans précédent.

Aussi bien, la bataille que nous appelions bataille de l’Aisne, — en 1914 comme en 1917, — n’est pas tout entière, il s’en faut, limitée à l’assaut donné par les armées françaises aux plateaux de l’Est ; pas plus que la bataille de l’Aisne de 1814 ne tient dans la journée de Craonne. De même, en effet, que Napoléon n’a pensé, en assaillant par Craonne et enlevant jusqu’à la Malmaison le massif entre Aisne et Ailette, qu’à assurer le succès d’une opération à très large envergure, qui s’étendait de Compiègne à Reims et de Soissons à Rethel, de même, en 1917 comme en 1914, les armées françaises se proposaient un autre but que de saisir le mur qui couvre la formidable montagne de Laon. Le nom de bataille de l’Aisne s’étend aux opérations qui, de l’Oise à la Suippe, ont eu pour objet de rejeter sur la Meuse les armées allemandes. Le dessein de Joffre et de ses successeurs est, à cet égard, très pareil à celui que Napoléon, — après César lui-même en l’an 56 avant le Christ, — concevait en mars 1814, et il donne à la bataille de l’Aisne une ampleur qu’aussi bien, nous Talions voir, lui impose d’une façon inéluctable la géographie de cette partie si passionnante de notre territoire : la région de l’Aisne.

La bataille de 1917 est encore de trop récente date pour qu’on puisse, sans d’assez sérieux inconvénients, en faire une étude complète et approfondie ; celle-ci paraîtra à son heure[1]. Nous devons nous contenter aujourd’hui de remplir un dessein moins téméraire. Après avoir, pour l’intelligence de ces études, présentes, — et futures, — situé, en quelque sorte, les batailles de l’Aisne, je voudrais, ne parlant que pour mémoire des combats moins éclatants, m’arrêter à trois batailles qui, — en attendant la quatrième, celle de 1917, — sollicitent spécialement l’intérêt et qui peuvent être rapprochées avec profit : celle de César en l’an 56 avant notre ère, celle de Napoléon en

  1. A plus forte raison peut-on le dire de celle de 1918 qui s’est déroulée quand la présente étude était sous presse.