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FRANÇOIS BULOZ
ET
SES AMIS

VI [1]<
SAINTE-BEUVE

« J’ai été jeudi à la réception de M. Sainte-Beuve à l’Académie[2], écrit Mme Buloz le 2 mars 1845 ; quoique Sainte-Beuve m’eut lu son discours, et que le discours m’eût paru excellent en tous points, j’étais très inquiète de l’effet qu’il produirait sur le public et de la façon dont on l’accueillerait. Le succès a été complet. Tout ce qu’il y avait d’ingénieux et de spirituel dans ce charmant morceau a été profondément senti par un auditoire, il faut le dire, bien disposé et bien prévenu en faveur du nouvel arrivant[3]. »

Sainte-Beuve ! étrange physionomie de chanoine spirituel, un peu concupiscent, étrange physionomie et insaisissable : face pleine, rasée, rusée, petits yeux pétillants de malice, fureteurs, pénétrants, sous des sourcils roux embroussaillés, crâne recouvert de cette éternelle calotte de velours noir que sa main pétrit sans cesse. Voilà Sainte-Beuve âgé. Il parle vite, ses phrases sont souvent hachées, coupées, il appuie sur certains

  1. Voyez la Revue des 15 février, 15 avril, 15 mai, 15 juin. 1er juillet.
  2. Élu le 14 mars 1844, Sainte-Beuve fut reçu à l’Académie par Victor Hugo, le 27 février 1845.
  3. Lettre de Mme F. Buloz à Mme H. Combe, inédite.