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RÊVERIES D’APRÈS GUERRE
SUR
DES THÈMES ANCIENS

V [1]
SUR LES ROUTES DE LA DOUCE FRANCE

M. Reichard, de Gotha, conseiller de guerre, était, en sa qualité d’Allemand, doué du génie de l’organisation. Comme, en outre, à l’égal de tous ses compatriotes, il se plaisait à professer, il s’avisa, vers la fin du XVIIIe siècle, que nul mortel avant lui n’avait su voyager avec commodité et profit, et il résolut de contribuer au bonheur de l’humanité en faisant part à ses contemporains des résultats de sa culture personnelle. Ce beau trait nous vaut un Guide des Voyageurs en Europe, trois volumes in-octavo, du format et de l’épaisseur d’un Gradus ad Parnassum, dédiés à Sa Majesté Impériale Alexandre Ier, « autocrateur de toutes les Russies, » et dont la préface, compendieusement réduite à 228 pages, peut être considérée comme l’une des conceptions les plus divertissantes de la pédanterie teutonne.

Persuadé que « le devoir d’un ami des hommes est de communiquer les lumières qu’il a acquises, » M. Reichard pose en principe que tout voyageur doit avoir pour buts « sa propre instruction, le bien de la société et la prospérité de sa patrie ; » tâche « extrêmement pénible, » exigeant de préalables et longues initiations. D’abord il est nécessaire qu’un touriste, avant de se mettre en route, étudie à fond « l’histoire naturelle, la mécanique, la géographie, l’agriculture, les langues, le dessin, la calligraphie, la sténographie, la natation, la médecine

  1. Voyez la Revue du 1er mai.