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pas dans l’espoir de libérer les terres irredente ? Le jour où la Roumanie a pris la résolution de se joindre à l’Entente, ne se proposait-elle pas de délivrer du joug hongrois pour les réunir à elle ses frères de Transylvanie ? L’Entente ne l’ignorait pas. La force et l’honneur de notre cause, ce qui en assure le triomphe, c’est que notre salut est lié au salut, à la libération des nationalités opprimées.

La conséquence la plus heureuse sans doute du retentissant incident Czernin aura été de dissiper l’illusion autrichienne. Des politiques subtils, autant que bien intentionnés, nourrissaient l’espoir de se faire une alliée de l’Autriche délivrée, grâce à nous, du pesant joug de l’Allemagne. Ils ne mettaient pas en doute que le jeune empereur ne subit avec impatience le rôle qui, pour « brillant » qu’il soit, ne laisse pas d’être humiliant, d’éternel second. A supposer exacte l’analyse psychologique des sentiments prêtés à l’impérial et éventuel interlocuteur, restait à mettre sur pied la solution destinée à établir l’accord entre l’Entente et lui. Se figurait-on bonnement qu’en même temps qu’il offrait à la France l’Alsace-Lorraine qu’il ne détenait pas, il était prêt à amputer son empire de Trente et Trieste en faveur de l’Italie et à abandonner à la Roumanie les parties qu’elle réclame ? Y eût-il été par impossible disposé, comment l’aurait-il pu ? L’explosion de l’affaire Czernin a fait évanouir ces imaginations dont le moindre inconvénient n’était pas de nous détourner de la seule politique réaliste, loyale et susceptible d’aboutir.

Pour combattre l’Allemagne, on s’est enfin résolu à faire appel sans ambages aux éléments anti-allemands. Aux Tchèques, aux Tchéco-Slovaques qui réclament l’accès à une vie nationale et libre, l’Entente s’est décidée à répondre publiquement qu’elle faisait siennes leurs revendications. De même pour la Pologne. Ainsi s’éclairent et se coordonnent les conditions de paix acceptables par l’Entente. Elles s’opposent par une suite naturelle et logique aux desseins ennemis.

L’Allemagne a mis le monde en feu pour fonder sa domination économique et politique. Dès avant la guerre, ses dirigeants avaient prononcé l’arrêt de mort des petites nationalités. Fidèle aux principes formulés avec tant de précision et d’élévation parle Président Wilson, l’Entente lutte pour la réparation des crimes du passé par la délivrance des nationalités opprimées.