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l’action militaire, l’action politique et diplomatique. L’Allemagne joue son jeu; jouons le nôtre. Aucune carte n’est à rejeter; aucune, peut-être, n’est annulée définitivement. Nous ignorons à peu près tout de ce qui se passe en Russie : le chaos ne serait plus le chaos si on le débrouillait et si l’on y reconnaissait quelque chose. De loin, pourtant, et dans les ténèbres, on dirait que, parmi tous ces gouvernements qui naissent, s’opposent, se posent, se combattent, s’entretuent el s’évanouissent, voici on ne sait quoi qui tend à prendre davantage figure de gouvernement. Si vraiment un gouvernement s’ébauche à Kharbine ou à Omsk, si M. Milioukoff et M. Goutckhoff ont pu vraiment le rejoindre, c’est une amorce, appuyons-la et appuyons-nous-y. La réapparition de M. Kerensky, au milieu du « Congrès travailliste » de Londres, de quelque crédit que l’ex-dictateur doive jouir encore, n’est pas un incident entièrement négligeable. Il semble avoir compris que son rôle, en Angleterre, en France et aux États-Unis, est, en faisant appel à la coopération des Alliés, de provoquer et de déterminer l’intervention japonaise. Sa réapparition, alors, pourrait être plus que la résurrection indifférente d’un homme. En attendant, préparons-nous, comme nous le faisons, à soutenir le choc d’une cinquième offensive allemande; usons-la d’avance, en quelque sorte, à coups de lime, affaiblissons-la, comme nous venons de le faire, en collaboration avec les Anglais, les Italiens et les Américains, devant Amiens, devant Soissons et devant Château-Thierry. Fêtons avec les États-Unis, dont nous ne saluerons jamais trop le magnifique élan, le Jour de l’Indépendance. Accueillons dans notre Conseil supérieur de guerre, sous l’égide de la Grande-Bretagne fidèle, les fidèles Dominions britanniques, en reconnaissance de leur effort égal au sien, que ne dépasse et n’effacera nul autre effort. Commémorons l’installation à Athènes du gouvernement de Salonique. Distribuons des drapeaux neufs à la jeune armée polonaise et à la jeune armée tchéco-slovaque. Jadis les droits des nations se conquéraient par les nations mêmes sur le territoire national. C’est la marque de cette guerre sans précédent qu’ils se conquièrent par tous et pour tous sur le sol français, devenu comme la patrie de l’humanité. Dans ces fêtes et dans ce fait, voyons ce que contiennent ce fait et ces fêtes, un symbole. La stratégie allemande et la politique allemande veulent nous vaincre par la diversion, par la division. Que nos étendards, nos souvenirs, nos espoirs, nos gloires, nos douleurs, en se mêlant, nous rappellent que nous vaincrons par l’union et par l’unité.