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pressions des gaz sur la couche interne se transmettent intégralement de cette couche aux suivantes, comme celles-ci ont une surface de plus en plus grande, il est clair que par unité de surface, par centimètre carré, la pression transmise diminue peu à peu vers les couches externes du tube. Cela est d’autant plus vrai, a fortiori, que les pressions ne sont certainement pas transmises intégralement d’une couche à la suivante, une partie en étant absorbée par la compression moléculaire du métal.

De là découlent diverses conséquences importantes : 1° Pour assurer la résistance d’un canon formé d’un tube simple il faut et il suffit de mettre la couche interne à l’abri de la déformation permanente. Par exemple si la limite d’élasticité de l’acier employé est le 3 300 kilogs par centimètre carré[1], un tube si épais qu’il soit ne pourra, sans subir une déformation permanente, résister à une pression intérieure de plus de 3 300 kilogs par centimètre carré, c’est-à-dire environ 3 300 atmosphères, puisqu’une atmosphère vaut 1 kilog 03 par centimètre carré.

2° La pression interne que peut subir un tube homogène croit évidemment avec l’épaisseur de ce tube. Elle ne pourrait être égale à la limite d’élasticité que pour un tube d’épaisseur infinie. Mais en fait, en augmentant beaucoup l’épaisseur du tube, il arrive un moment où on n’accroît plus guère la résistance à la pression interne.

C’est ainsi que les pressions maxima que l’on peut imposer à des tubes d’épaisseurs égales à un quart, un demi, trois quarts du calibre, et à une fois celui-ci, sont respectivement égales aux fractions 0,38 ; 0,60 ; 0,72 ; 0,80 de la pression limite.

Par là, on voit que la règle empirique des anciens artilleurs tendant à donner aux canons une épaisseur égale au calibre était justifiée puisque, dans ces conditions, le canon possède les huit dixièmes de la résistance qu’il aurait si son épaisseur était infinie. Si on augmentait alors son épaisseur de moitié, d’un demi-calibre, on doublerait son poids tout en n’augmentant sa résistance à la pression que d’un dixième seulement.

  1. Les balisticiens, — quel est le corps, si éminent soit-il, qui n’ait dans le bloc de ses perfections une petite faille ? — ont l’habitude d’exprimer les tensions du métal, les limites d’élasticité, au millimètre carré, et la pression des gaz au centimètre carré. Cette habitude est déplorable et contraire aux nécessités d’un système de mesure normal. Mais c’est une habitude, une tradition, c’est-à-dire une chose indéracinable et à qui son âge donne un caractère presque inviolable. On nous permettra pourtant de ne pas nous y conformer ici et d’exprimer tout en centimètres carrés.