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III

L’immense frontière entre la Russie et la Chine, qui s’étend du 72e au 136e degré de longitude orientale, a été successivement délimitée entre les deux Empires, et les relations des deux voisins ont été définies de 1689 (sous les tsars Ivan et Pierre Ier) jusqu’à 1913 (sous le rogne du tsar Nicolas II) par une série de traités, les traités de Nertchinsk (1689), Kiakhta (1768), Kouldja (1851), Tien-tsin et Pékin (I858-1860), Saint-Pétersbourg (1881, 1896), y compris le dernier traité de 1913 relatif à la Mongolie. Entre la Russie et le Japon ont été de même réglées, depuis la paix de Portsmouth (1905), par les conventions et accords de 1907, 1910, 1912, 1916, toutes les questions concernant les limites des deux Empires, leurs zones respectives d’influence en Mandchourie et en Mongolie, le raccordement de leurs réseaux ferrés, la défense de leurs intérêts communs dans l’Asie orientale.

Les États d’Occident le plus intéressés à l’équilibre et à la paix de l’Orient, la Grande-Bretagne, la France, les États-Unis, ont, de 1905 à 1917, reconnu et ratifié, en ce qui les concernait, les arrangements passés entre la Russie et le Japon, et, par conséquent, le régime selon lequel ont été définis et ordonnés les rapports de voisinage et la protection des intérêts, soit respectifs, soit communs, entre les trois Puissances limitrophes de l’Asie septentrionale et orientale. Durant le cours même de la présente guerre, la Russie et le Japon, par l’accord du 3 juillet 1916, ont été amenés à resserrer encore, par une précision plus grande, les liens qui déjà les unissaient si fortement dans la sauvegarde de leurs communs intérêts. Les États-Unis, d’autre part, ont estimé le moment venu de reconnaître, par les lettres échangées le 2 novembre 1917 entre M. Lansing, secrétaire d’État, et le vicomte Ishii, ambassadeur extraordinaire du gouvernement japonais, les intérêts et droits spéciaux que la proximité et la contiguïté géographique conféraient au Japon sur les frontières de Mandchourie et de Mongolie.

Ces accords et arrangements destinés à maintenir et préserver le statu quo territorial de l’Asie orientale, ainsi que l’équilibre et la paix de l’Orient, ne peuvent être diminués et ébranlés par la révolution russe, et moins encore par les traités