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Toutes ces questions et bien d’autres, que l’on doit se poser, aideraient, si l’on y pouvait répondre, à pronostiquer l’avenir des prix. Un élément vital des prix n’est-il pas le transport, intimement lié à la concurrence mondiale des marchandises ? Or, le transport maritime, le fret, ne dépendra pas seulement du nombre des navires à flot au jour de la cessation des hostilités, mais du coût de la tonne de bateaux à construire, de la valeur des charbons et des prétentions des équipages.

Si nous admettons l’hypothèse, d’ailleurs plausible, que le pouvoir de l’argent ait baissé de moitié, que la pièce d’un franc du lendemain de la guerre vaudra 50 centimes de 1913, nous devrions en conclure que la richesse nouvelle ne satisfera pas plus de la moitié des besoins que son chiffre total eût satisfait il y a quatre ans. Mais la différence, pour les capitalistes de fraîche date, ne sera pas telle parce que, dans l’intervalle, le taux de l’intérêt a haussé et que, par conséquent, le nouvel argent rapportera plus que l’ancien.

Seulement la nouvelle richesse a ceci d’artificiel qu’elle représente non pas une production, mais une créance, sur un débiteur qui a dissipé la somme empruntée. Ce « débiteur » n’est autre que la nation française elle-même dont les nouveaux riches font partie. Il faudra qu’ils fournissent ’à la nation de quoi les payer ; ils ne peuvent conserver leur richesse qu’à la condition de verser, comme contribuables, une part de ce qu’ils toucheront comme rentiers. Quelle part ? Nul ne saura, jusqu’à la fin de la guerre, à combien pourra monter le chiffre du budget futur. De ce budget, proposer, discuter ou même imaginer les bases possibles, nous ferait sortir aujourd’hui du cadre de cet article. Chacun sait qu’il faudra, pour balancer la recette et la dépense, recourir aux deux catégories d’impôts : aux « bons, » c’est-à-dire ceux que paie le voisin ; aux « mauvais, » ceux qu’il faut payer soi-même.


VII

La brèche ainsi faite à des revenus largement atténués déjà par la hausse de toutes choses aura pour effet de réduire la fortune des riches nouveaux, mais aussi celle des anciens. Lorsqu’il entend énoncer que, par la baisse du pouvoir d’achat