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et non de la fille, il annonce que Mme de l’Hôpital vient de mourir ; et il assure que déjà « plusieurs belles » accepteraient la main du maréchal « et le trouveroient encor bon, — bien qu’il soit tout à fait barbon. » Qui, ces belles ? Il en cite, au courant de la plume, au gré de la rime, deux douzaines, et puis trente : « Et La Vergne mord à la grappe, — quand on lui donne pour mari — ce maréchal au poil fleuri. » La Vergne, assez probablement, ne s’en doutait pas. Des bavardages de Loret, ce qui reste, c’est qu’on parlait de Mlle de La Vergne, jet qu’elle était « fort belle, » car il le dit.

Elle était devenue, depuis la mort de son père, fille d’honneur de la Reine. Au plumitif de la Chambre des Comptes pour le premier semestre de l’année 1661[1], elle figure comme bénéficiaire de douze cents livres sous la mention « cy-devant l’une des filles d’honneur de la Reine, mère de Sa Majesté. » Il est probable qu’elle dut son entrée à la cour au zèle obligeant de Mme d’Aiguillon. Mais on a beau chercher, on n’apprend véritablement rien de sa vie à la cour en qualité de fille d’honneur. Un peu plus tard, le charmant troupeau de ces jeunes beautés qui, auprès de la Reine, sont auprès du Roi, aura de folâtres attraits. Le Roi les trouvera gentilles et, à leur égard, il n’aura pas du tout la pudibonderie du Roi son père, si chaste et perpétuellement amoureux, si chaste qu’un jour sa blonde bien-aimée Hautefort lui sut rendre intangible un billet qu’il la pressait de lui montrer : elle mit ce billet dans l’abri de son corsage ouvert ; où Louis XIV l’aurait pris, comme eût fait aussi son aïeul Henri IV. Le jeune Louis XIV, on le verra très curieux des filles de la Reine. Il se fera servir à table par elles plus volontiers que par ses officiers. Et il goûtait leur familiarité. Cette petite Mlle de La Mothe, qui devint la duchesse de La Vieuville et qui, avant cela, conquit une sorte de renommée en résistant aux claires avances de Sa Majeslé, premièrement fut son amie avec une liberté assez anodine. Dans la chambre de la Reine, elle s’émancipait à pincer le Roi, qui s’écriait : « Ha ! la chienne ! » avec peu de rancune. Et La Mothe avait peur des souris ; mais le Roi détestait les grenouilles. Pour la taquiner et l’agacer, le Roi lui fit porter une jolie- boîte, qui contenait quatre souris. Mais elle se venge à ce repas où, d’une main,

  1. Archives nationales, P. 2170.