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à s’en délivrer, l’activité des uns, la nonchalance des autres, les honnêtes velléités de l’ordre dans le désordre coutumier.

A Pontoise, M. de La Vergne dépensa beaucoup de talent. C’était un homme qui ne se ménageait pas. M. Le Pailleur en éprouvait un amical ennui ; et, dans une invocation qu’il adresse à la grande reine Oisiveté, bonne déesse à laquelle il dédie un culte continuel, il s’écrie, avec autant de feu que le permet son génie calme et que le tolère sa religion paresseuse ; « Fais que La Vergne se repose… — qu’une prompte paix le ramène, — vers son jardin et sa fontaine, — son cabinet et son billard ; — fais que je le trouve gaillard, — sans trouble et sans inquiétude ; — ôte-lui le soin de l’étude — et lui donne la volonté — d’aimer sans fin ta déité ! « Il ajoute, et c’est hors du vers, et c’est hors du rythme : Amen ; et met une sollicitude amicale dans le sincère badin âge de sa prière. M. de La Vergne usait sa vie, par trop d’assiduité ; il négligeait le repos, comme souvent ont fait ceux qui meurent jeunes et qui paraissent ensuite s’être dépêchés de vivre en peu de temps autant que d’autres à loisir.

Son jardin, sa fontaine, son cabinet et son billard, c’était à Paris ou, pour mieux dire, à Saint-Germain-des-Prés, au coin des rues Férou et de Vaugirard, le coin de droite, si l’on vient de Saint-Sulpice et l’on va au Luxembourg. Ce quartier, ce faubourg de Paris, fait quasiment village : il est un bailliage soumis à la juridiction de l’abbé de Saint-Germain-des-Prés. M. de La Vergne possédait là une belle maison : celle qu’habitera Mme de La Fayette ; et Mme de Sévigné en célébrera le jardin, la fontaine. L’année même que naquit Marie-Madeleine. M. de La Vergne acheta le terrain d’en face, à l’autre coin des rues Férou et de Vaugirard ; il y construisit une autre maison, qui ne resta point dans la famille. et, cinq ans plus tard, il établit une communication très jolie entre ses deux maisons, par-dessus la rue Férou, une sorte de couloir en l’air, un pont des Soupirs. Il eut à solliciter, pour ce faire, l’autorisation de l’abbé de Saint-Germain-des-Prés, qui soumit l’affaire aux officiers de son bailliage et finalement considéra que cette fantaisie contribuerait à la décoration de son faubourg[1]. M. de La Vergne avait le goût de l’architecture. Tallemant des Réaux

  1. Archives nationales, Inventaire de l’émigré La Trémouille, T. 1051-2.