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feu, qui se jetait à tout. « Il est vrai qu’Hédelin, d’abord avocat, puis entré dans l’état ecclésiastique, fut un orateur sacré, fut l’auteur de tragédies, de romans, de traités érudits, narquois, polémiques, fut un homme d’affaires très adroit, fut ce qu’il avait envie d’être : et ses goûts, d’un jour à l’autre, tournaient au vent de sa fantaisie. Son élève ayant été nommé grand amiral, l’abbé d’Aubignac étudie et promptement connaît « les affaires de mer, les armées navales, la fabrique des vaisseaux, la clôture et l’ouverture des ports ; » il se mêle de « négociations importantes » et n’est pas un intrus dans le « cabinet des ministres. » Faut-il l’en croire ? Un homme qui dit de soi tant de bien ne prouve que sa sincérité. Toujours est-il que ce cocasse et très intelligent abbé d’Aubignac fut nommé conseiller du roi en ses conseils. Mais sans doute le petit grand amiral avait-il besoin d’autres collaborateurs, moins agités, plus compétents. Je crois que M. de La Vergne le servit plus précisément, avec beaucoup de simplicité. Comme son maître était grand amiral, il passa des rôles de la guerre aux états de la flotte : et son titre fut capitaine de la marine. Mais il ne paraît pas avoir navigué. Son activité est plutôt celle d’un officier du génie.

En 1636, les Impériaux, avec Piccolomini et Jean de Weert, ayant pris Corbie et forcé le passage de la Somme, envahirent la Picardie. La cavalerie espagnole et des bandes de Croates et de Hongrois pillèrent, incendièrent, emplirent de leurs cruautés le pays entre la Somme et l’Oise. A Paris, il y eut quelques jours d’épouvante : la renommée de Jean de Weert, sa vérité autant que sa légende, avait de quoi jeter l’effroi. Soudain, l’on s’aperçut que Paris était mal protégé. Le peuple se fâcha ; voire il accusa le cardinal : si Paris manquait de défense, eh ! bien, c’est que le cardinal n’avait songé qu’à se bâtir son palais !… Et pourtant les impôts étaient lourds !… On mit en doute la fidélité du comte de Soissons, chef de l’armée qui couvrait Paris. Telle fut cette alarme qu’il y eut à craindre des émeutes. Mais Richelieu montra l’homme qu’il était. Son carrosse le mena près de l’Hôtel de Ville. Seul, sans nulle escorte, il traversa la foule remuante et, par sa fierté brave, lui imposa. En peu de temps, il transforma l’opinion du populaire. Un grand élan patriotique succéda aux troubles et aux soupçons. Les corps de métiers affirmèrent leur dévouement au roi, contribuèrent à la