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locales. Il semblait que toute cette torrentielle irruption se diluât, n’assaillant que quelques points, refluant parfois sous la résistance, emportant parfois un morceau de la digue, se heurtant immédiatement à une autre digue. Le 31, jour de Pâques, notre armée paraissait maîtresse de la situation : l’ennemi, qui s’était porté à l’attaque de Grivesnes, prend-il pied dans le parc, une contre-attaque l’en rejette, et c’est nous qui attaquons le Mesnil-Saint-Georges, retombé la veille entre les mains de l’Allemand. A-t-il pénétré encore dans Hangard, on l’en expulse. En ce jour qui fut glorieux pour tous, la 50e division quittait le champ de bataille où elle venait d’égaler et peut-être de dépasser les plus beaux exploits. Soldats incomparables qui eussent arraché à tous ceux qui les avaient vus combattre le cri où l’un d’eux faisait tenir le summum de l’admiration désormais : « Ils ont fait mieux qu’à Verdun ! »


XXI. — LE DERNIER ASSAUT SUR LE FRONT DEBENEY (3-5 AVRIL)

Ceux qui tout à l’heure voyaient l’énorme remous des divisions allemandes ballant les parois de la large cuvette, puis convergeant vers la paroi Ouest, s’étonneront sans doute que l’assaut attendu avec tant de résolution, les 28 et 29 mars, par les troupes de Debenoy, si violent qu’il ait été, n’ait cependant pas présenté le caractère formidable et presque irrésistible qu’on était autorisé à prévoir : vingt et une divisions allemandes venant assaillir, entre Guillaucourt et le Sud de Montdidier, un front relativement étroit, ne constituent point une médiocre force. Mais les nouvelles batailles ne ressemblent point aux anciennes, même récentes. Une force nouvelle, — offensive et défensive, — est entrée en jeu, depuis les derniers mois, qui, de notre côté, a acquis une puissance redoutable. A l’heure même où l’Allemagne rêvait d’un assaut géant, nous avions perfectionné l’arme qui, en attendant qu’elle en put briser l’élan, le pouvait ralentir : l’aviation. Depuis des journées nos escadrilles étaient, nous l’avons vu, en action, et tandis qu’elles n’hésitaient point à attaquer les colonnes d’infanterie en marche, elles remplissaient leur autre office et, les unes mitraillant, d’autres bombardant, gares, dépôts, voies ferrées, convois, tout était, dans la « poche allemande, » l’objet de bombardements heureux ; partout les transports allemands