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fallait que la liaison fût rétablie, mais l’effort fourni par l’année Humbert était déjà démesuré ; elle ne pouvait s’étendre sans risquer de se distendre et de craquer. Une nouvelle armée était nécessaire : le général Debeney arrivait de Lorraine.

Grand, vigoureux, la figure grave, l’expression pensive et un peu tourmentée, c’est le général Debeney. Le sort accouplait pour cette bataille à Humbert, dont la carrière, toute d’action, tenait avant celle guerre entre le Tonkin et le Maroc, cet ancien professeur de l’Ecole de Guerre qui n’avait en 1914 quitté sa chaire que pour l’état-major d’une armée ; sa valeur s’était confirmée, puisque, dès la première année de guerre, ce lieutenant-colonel de 1914 était devenu le commandant de la belle 25e division, à la tête de laquelle il avait devant Verdun arrêté les Allemands au Mort-Homme, le commandant, en 1916, du 32e corps, qu’il avait conduit de succès en succès pendant la bataille de la Somme, en 1917 le commandant de la 7e armée, et peu après, en 1918, le major général de l’armée : haut soldat qui ayant « enseigné » l’infanterie, allait une fois de plus montrer qu’il la savait manier et obtenir d’elle des miracles.

Seulement, je le répète, c’était encore un général sans troupes qui, le 25, apparaissait sur ce champ de bataille où déjà on sentait passer le souffle haletant de l’ennemi en marche. Ayant quitté Toul dans la matinée du 24, reçu ses missions de Pétain, puis de Fayolle, il était arrivé à Montdidier où était encore, on s’en souvient, le quartier général de la 3e armée française, avait pris langue avec le général Humbert, puis couru à Moreuil où le 18e corps britannique, aile droite maintenant de l’armée Gough, un peu désemparé, ne demandait qu’un chef. Puisque les circonstances, plus sages que les hommes, imposaient l’amalgame, il se faisait partout de lui-même ; le 18" corps britannique passerait des ordres de Gough à ceux de Debeney dont il deviendrait l’aile gauche, tandis que la droite serait formée, aussitôt les débarquements opérés, par les 133e et 56e divisions précipitant à cette heure leur course vers le champ de bataille. Ce 25 au soir, les Allemands avaient, on se le rappelle, atteint la ligne Bray-Chaulnes-Sud de Nesle-Noyon.