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de Thiescourt et de Piémont seraient bastions beaucoup plus sûrs encore pour l’enceinte défendue. Le général d’Ambly venait d’y installer sa vaillante 77e division. Là se briserait enfin avant deux jours l’effort allemand vers Paris.

La gauche d’Humbert, à la vérité, flottait davantage. C’est que, devant l’âpre résistance opposée les jours précédents par le corps Pellé, l’invasion avait tendance à se porter à droite, vers l’Ouest, et, en attendant que la digue, s’étendant de plus en plus à l’Ouest, le fît refluer au Nord vers Amiens, le flot allemand se précipitait d’une façon presque irrésistible, balayant les défenseurs de Roye, vers la trouée de Montdidier.

La ligne avait quelque peine à s’établir dans cette région plaie, peu boisée et que ne coupait qu’un ruisseau, — la petite Avre en son cours supérieur. A peine la 56e débarquait, premier élément de l’armée Deboney, on la poussait à la gauche de la 22e qu’elle essayait d’étayer, mais la 22e, fatiguée, entamée, défendant un front large et assez incertain, flottait, se repliait, entraînant à sa droite la 62e. Des trois heures du matin, l’ennemi avait, au clair de la lune, — car le temps s’était remis au clair, — attaqué si vivement, que les deux divisions avaient dû se retirer sur la ligne Roye-Avricourl-Lagny. L’ennemi ne leur laissa point le temps île s’y installer. Dès six heures, il débouchait de Marguy-aux-Cerises sur Avricourt, forçant la gauche de la 62e à reculer sur Amy, puis sur Fresnières : le centre étant ainsi défoncé, la 22e était attaquée à gauche, Roiglise perdu, Roye presque isolé. La liaison semblant brisée d’autre pari entre 22e et 62e, la 1re de cavalerie (général Rascas), qui, dans toute cette bataille, jouait un rôle assez ingrat et d’autant plus méritoire, — fut portée dans le trou.

Roye était menacé ; l’ennemi, maître de Roiglise, tournait la ville tandis, qu’il l’attaquait par le Nord. La 22e, laissant quelques éléments dans la ville, gagna la ligne Crapeaumesnil-Beuvraignes où un ordre énergique du général Humbert arrêta son repli. Des escadrons de la 5e division de cavalerie étaient jetés dans Roye où ils retrouvaient encore les éléments de la 22e. Mais déjà l’ennemi était dans les faubourgs et la localité devenait indéfendable. Les obus y avaient mis le feu, et c’est une ville en flammes qu’à 11 heures, nos soldats abandonnaient. La 5e division de cavalerie se portait immédiatement à gauche pour défendre, à l’Ouest de Roye, la ligne de l’Avre à Saint-Aurin et