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VI. — L’INTERVENTION FRANÇAISE

Dès le 21 au soir, le haut commandement français, apprenant le déclenchement de l’attaque allemande sur le front Gough et en appréciant l’importance, avait alerté ses réserves.

Le Grand Quartier Général avait en effet vu venir l’attaque. S’il avait constaté que, toujours pour ménager l’effet de surprise, les Allemands avaient en quelque sorte « paré » en vue d’attaque tout le front de la mer à l’Alsace, la nouvelle que de grandes masses d’attaque étaient portées sur Hirson, entre Rethel et Maubeuge, dans la première quinzaine de mars, ne lui permettait plus que d’hésiter entre deux hypothèses : attaque sur le front britannique entre Cambrai et la Fère, ou attaque contre le front français entre Coucy et nos positions de Champagne ; si l’angle de l’équerre était à Hirson, les deux branches aboutissaient l’une à Saint-Quentin et l’autre à Reims. D’autres hypothèses ayant pu être précédemment envisagées, — attaque devant Verdun, attaque même sur le front d’Alsace, — chaque hypothèse avait fait l’objet d’une étude spéciale. L’articulation des réserves françaises sur le réseau ferré et le réseau routier avait été prévue de telle façon que, suivant que se réalisât l’une ou l’autre des hypothèses, les réserves pourraient être rapidement portées sur l’un ou l’autre point. Certains états-majors d’armée avaient été avisés d’avoir à prévoir et à préparer le retrait rapide sur leur front de divisions à faire transporter sur les points menacés : certains, de la possibilité pour eux-mêmes, — c’était le cas de l’état-major de la Ire armée, alors à Toul, — d’avoir à quitter en quelques heures le commandement de leur secteur pour être porté sur le champ de bataille. Enfin, en arrière des régions qui semblaient être spécialement menacées, Picardie et Champagne, des réserves avaient été formées : le 5e corps, commandé par le général Pellé, tenait ses divisions au repos au Sud de Compiègne ; son état-major était disponible, ainsi que celui du général Humbert, commandant la 3e armée, ainsi que celui du général Fayolle, mis en réserve. Et ces états-majors avaient reçu mission d’étudier les différentes hypothèses plausibles et d’en tirer toutes les conséquences. Spécialement, en vue d’une attaque sur le iront britannique, un accord était intervenu entre les