Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gauche vers Paris comme à droite vers Amiens, et qu’ainsi le champ de bataille le plus favorable à leurs complexes desseins était bien celui que les Allemands avaient choisi.


III. — LE THÉÂTRE DE LA BATAILLE

Entre l’Ancre au Nord et l’Oise au Sud, s’étend un énorme plateau traversé par la Somme, plateau ondulé, plus qu’accidenté, plateau extrêmement peu boisé où rien n’arrête sérieusement une irruption violente. C’est la Picardie qui, lorsqu’on y pénètre en sortant de l’Ile-de-France, couverte de ses royales forêts, semble si parfaitement dénudée.

La vallée de l’Oise est, au Sud, le fossé qui sépare de l’Ile-de-France le plateau de Picardie. Accourant du Nord, la rivière se coude au Sud de la Fère, pour couler sensiblement de l’Est à l’Ouest, jusqu’à Sempigny, au Sud de Noyon, où, contrariée par le massif de Béhéricourt (entre Guiscard et Noyon), par celui de Thiescourt (entre Lassigny et Noyon) dont le Mont-Renaud, la montagne de Porquéricourt et le Piémont sont vers le Nord les contreforts, la rivière reprend sa direction Nord-Sud, puis Nord-Est-Sud-Ouest pour s’acheminer par Compiègne, Verberie, Creil, Pontoise, vers la Seine qu’elle rejoint au Nord de Saint-Germain. Barrière couvrant, de la Fère à Noyon, un coin de l’Ile-de-France, elle est au contraire, après Sempigny, voie ouverte vers Paris. Se détournant brusquement au Sud, elle laisse sans défense, — le massif de Thiescourt excepté et la médiocre petite Divette, — le seuil de l’Ile-de-France entre Lassigny et Montdidier, -— trouée naturelle que masquent bien mal les collines du petit massif de Boulogne-la-Grasse au Sud-Est, et au Nord-Ouest les hauteurs médiocres de la vallée supérieure de l’Avre. Au Sud de cette trouée de Montdidier, et une fois franchi le seuil de Clermont-en-Beauvaisis, une invasion retrouverait l’Oise inférieure, non comme un obstacle, mais au contraire comme une voie ouverte vers Paris. Il faut retenir ces détails pour l’intelligence des événements qui vont être l’objet de cette étude.

L’Oise, entre la Fère et Noyon, l’ait donc barrière. A 15 ou 20 kilomètres plus au Nord, la Somme coule, presque parallèlement à cette partie de l’Oise, de Saint-Quentin à Saint-Simon : entre les deux rivières, — en face de la ligne que, de la Fère à