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REVUE LITTÉRAIRE

UNE PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE[1]

Jules Lemaitre dit, à la première page de son Fénelon : « Lorsque j’étudiais Jean-Jacques Rousseau, il y avait deux hommes auxquels sus écrits me faisaient continuellement penser : Fénelon et Chateaubriand. Et je pressentais que les trois ensemble, Fénelon, Jean-Jacques et René, formaient, malgré toutes leurs différences, comme une dynastie spirituelle, une dynastie de rêveurs, d’inquiets et d’inventeurs. » Puis il raconte la jeunesse de Fénelon. Cette analogie de Fénelon, de Rousseau et de Chateaubriand ne l’a pas longtemps retenu. Il l’avait aperçue ; mais il ne s’y est point arrêté. Plus exactement, l’ayant aperçue, il ne l’oublie pas ; et, comme elle lui est sensible, son lecteur aussi la sentira. Ce qu’il a éludé, c’est la démonstration de cette analogie. En général, Jules Lemaitre s’abstient de la démonstration, soit qu’il la trouvât, comme il l’avoue, trop difficile à son gré, soit qu’elle lui parût, ce qu’elle est, trop facile : car il avait l’esprit merveilleusement ingénieux et doué d’une adresse à laquelle aucun théorème ne résiste. Alors, la dialectique, pour lui être si aisée, ne l’amusait pas beaucoup. Puis il avait le goût de l’exactitude qui le rendait un peu timide à l’égard d’une rude affirmation : c’est ce qui l’a fait prendre, quelquefois, pour un sceptique.

  1. Madame Guyon et Fénelon, précurseurs de J -J. Rousseau (librairie Félix Alcan) et Le Péril mystique dans l’inspiration des démocraties contemporaines, Rousseau visionnaire et révélateur (La Renaissance du livre), par M. Ernest Seillière.