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qu’on avait racolé à la hâte en Belgique, en Hollande et en Allemagne, demi-savants, professeurs besogneux en quête d’une prébende ou simplement d’un gagne-pain.

Ce n’était là qu’un premier coup porté à l’unité de l’Etat belge. Le plan de Bissing devait se poursuivre en trois étapes, sur trois plates-formes successives, langue, administration, politique. Mais, pour réussir, le gouverneur avait besoin de complices au sein même du pays flamand. Il les trouva dans une bande de traîtres et de fanatiques, sans autorité, sans valeur, dont fort peu avaient marqué parmi les Flamingants, au demeurant des ambitieux vulgaires. C’est chose incroyable le nombre des ambitions maladives que la guerre a fait éclore brusquement. Tel qui se serait contenté d’un rôle des plus modestes en temps ordinaire a voulu profiter du malheur général pour se hausser au premier plan.

Le 4 février 1917 se réunit à Bruxelles un soi-disant congrès national flamand qui rédige un programme de réformes, fondé sur l’autonomie de la Flandre, et élit dans son sein un comité exécutif, décoré du nom de Conseil de Flandre. Celui-ci désigne une députation de sept individus, laquelle court à Berlin recevoir l’investiture et les encouragements du Chancelier. Entre autres belles promesses, M. de Bethmann-Hollweg s’engagea envers ses hôtes à travailler la main dans la main avec le Conseil de Flandre ; il leur annonça que l’Empire allemand réaliserait pendant l’occupation la séparation administrative entre Flamands et Wallons et que, lors des négociations de paix et même après, il assurerait le libre développement de la race flamande. Les mots de séparation administrative ne furent pas prononcés ce jour-là pour la première fois. Quelques années auparavant, des hommes politiques wallons s’en étaient servis, sans trouver d’écho chez leurs collègues flamands, dans un moment d’exaspération contre la durée du gouvernement catholique. Mais des oreilles attentives avaient recueilli leurs paroles au-delà de nos frontières.

La séparation administrative fut promulguée par le gouverneur le 21 mars 1917. Elle ne tenait aucun compte des limites de nos provinces, divisions immémoriales de notre sol. Elle prétendait suivre la frontière linguistique, mais elle la violait, en donnant pour capitale à la partie flamande Bruxelles, qui est à cheval sur la frontière.