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la propriété ? On en peut douter. La Belgique resterait accessible en toute saison, comme une promenade publique, aux troupes du Kaiser. C’est bien là ce que les commentateurs officieux des discours pleins d’obscurités, où se complaisent les divers chanceliers de l’Empire, appellent à mots couverts des garanties.

Des garanties, et contre quoi, mon Dieu ? Contre une mainmise de l’Angleterre et de la France sur la Belgique ; contre un nouvel assaut des forces franco-britanniques, empruntant comme point d’appui le territoire belge. Des garanties imposées à la victime de l’Allemagne ! Inutile de souligner l’odieuse hypocrisie d’une pareille interversion des rôles. Remarquez que de placer ainsi le peuple belge, comme un malfaiteur, sous la haute surveillance de leur police ne serait pour la plupart des Allemands qu’un pis-aller, faute de pouvoir annexer sans phrases notre infortuné pays. Il va de soi que ledit peuple belge serait unanime à repousser avec indignation une neutralité de cette espèce, ignorée jusqu’à ce jour des doctes interprètes du droit des gens.

Resterait en fin de compte la neutralité conventionnelle, garantie par le concert des grandes Puissances belligérantes, qui s’élargirait de l’entrée de l’Italie, des États-Unis et du Japon, remplaçant la Russie effondrée. Cette neutralité paraît être le minimum des espoirs que nourrissent certains Allemands en ce qui concerne la Belgique : un retour au régime existant avant la guerre et que l’Allemagne a voulu détruire de ses propres mains. A quoi s’engagerait-elle dans un nouveau traité ? A respecter dorénavant l’indépendance et la neutralité de sa petite voisine, ainsi que l’intégrité de son territoire ? Promesse dérisoire, si elle ne comportait aucune sanction effective. A s’interdire, au début d’une nouvelle guerre, de pénétrer sur le sol belge, tant qu’il n’aurait pas été violé par un autre belligérant ? Voilà qui serait plus précis. Mais le prétexte d’une violation préexistante et imaginaire ne manquerait jamais à l’état-major de Berlin pour renouveler le coup de 1914.

L’Allemagne nous a prouvé par son ultimatum le peu de cas qu’elle fait des traités solennels. Autant en emporte le vent, qui chasse avec les feuilles mortes les chiffons de papier. Quelles garanties nous offrirait-elle de sa loyauté dans l’avenir ? Quelles sûretés nous donnerait-elle de la validité d’un instrument