Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup. Cent fois, j’ai entendu vos partisans déplorer votre participation à cette Revue. C’est une question générale dans le public : « Comment George Sand écrit-elle dans la Revue des Deux Mondes ? »

Après cela, Leroux lit Horace et il en est bien entendu « ravi, très ravi. » Mais que va-t-on faire d’Horace ? Justement Leroux est sans argent, Horace sans domicile, et voici la Revue sociale, devenue en dernier Revue indépendante, fondée. Horace y trouvera asile, ainsi que toutes les productions littéraires du prolétariat conscient[1].


Mais il faut parler ici d’un roman dont le titre revient constamment dans les discussions et dans la correspondance qui les a précédées : Engelwald. J’ai dit qu’il fut brûlé de la main de George Sand en 1861. Mais qu’était-ce qu’Engelwald ? Et pourquoi tant d’hésitation à terminer cette œuvre, alors qu’en général les œuvres de George Sand étaient si géniales et si abondantes ? La réponse, je la trouve dans un long rapport résumant les griefs de George Sand contre Buloz, et destiné à l’arbitre. C’est une explication, tout entière de la main de l’auteur, contenant la genèse d’Engelwald, et son histoire.

« Le sujet et le dénouement de ce roman étaient l’histoire et la mort de F. Staab, jeune Allemand affilié à la société secrète des Illuminés, et qui, à l’âge de dix-sept ans, fit une tentative d’assassinat sur la personne de Napoléon, à Schœnbrünn. Tout le monde sait cette histoire, dont on a fait une pièce à la Porte-Saint-Martin, peu de mois après la Révolution de Juillet. Dans cette pièce, au lieu de faire fusiller son assassin, comme il le fut en effet, l’Empereur lui faisait grâce, mettant sur le compte d’un patriotisme exaspéré, le geste de Frederick Staab. (George Sand explique qu’elle n’a pas cru, elle, devoir se permettre pareille altération de la vérité.)

  1. Voici l’avis de Sainte-Beuve sur la Revue Indépendante : « Quant à Mme Sand… sa Revue est un coup de tête ; le but est le communisme. Leroux en est le pape, ils sont déconsidérés en naissant, et n’en ont pas pour six mois. Il n’y a à Paris que deux Revues qui vivent et qui paient tant bien que mal (et même assez bien) les nôtres. Et puis, il y a les journaux quotidiens : les Débats, la Presse ; le reste ne vaut par l’honneur d’être nommé (littérairement parlant). Et puis rien. » (Correspondance de Sainte-Beuve avec M. et Mme Juste Olivier, 1841, p. 280.)