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misérablement pour avoir voulu forcer Ma Muse. Soyez sûre que je ne muse pas, et que je m’amuse encore moins.

« Répondez-moi un mot, chère enfant. S’il le faut absolument, je reprendrai Spiridion, car je ne voudrais pas que la santé de votre pauvre Buloz fût sacrifiée à mes caprices d’imagination.

« Je ferais tout, même un fiasco pour vous rendre l’espoir et la joie.

« Adieu, à vous de cœur.

« GEORGE.

« Rue Grange-Batelière 15 (tous les soirs)[1]. »

Mais, quoi qu’en dise George Sand, Spiridion n’est pas « repris. » Qu’y faire ? En novembre, il ne sera pas terminé encore, et fera le voyage de George Sand avec elle. C’est en route qu’elle trouvera l’inspiration nécessaire. Car nous voici à l’époque du voyage à Majorque avec Chopin et les enfants[2].


LE VOYAGE A MAJORQUE

« Pitoyable expédition ! » a-t-on dit…

On sait que George Sand connut Chopin par le ménage d’Agout-Liszt ; même, l’acquisition de Chopin désunit la compagnie des Piffoels et des Fellows (George Sand avait baptisé sa famille : les Piffoels, Mme d’Agoult et Liszt : les Fellows) . Débarrassée de Michel de Bourges, peu embarrassée de Malefille qui, à cette heure, pour elle, ne pesait plus guère, George Sand fut attirée, — et elle devait l’être, — par le mélancolique, le génial, le phtisique Chopin. Au mois de mai, avant de se lancer dans cette nouvelle aventure, elle écrivit au Polonais Gryzmala une longue lettre, que Mme Komaroff[3]a publiée jadis, et qui est bien la chose la plus étrange qu’on puisse voir. Elle s’y confesse, elle pèse les chances de bonheur que lui donnerait

  1. Timbre de la poste, 8 août 1838. Inédite.
  2. Maurice définitivement appartenait à sa mère. M. Dudevant, pensant que les crises de cœur de l’enfant étaient dues à l’imagination maternelle, avait épié, surveillé, mais en vain. Maurice était véritablement malade et plus malade quand sa mère était loin de lui : force fut à ce vilain mari de se rendre à l’évidence. Maurice tomba malade chez lui, Casimir alla alors chercher la mère. D’ailleurs, le Dr Gaubert dit à George Sand : « Cet enfant ne respire que par vous, vous êtes le médecin qu’il lui faut, vous êtes son arbre de vie. »
  3. Wladimir Karénine, George Sand, sa vie et ses œuvres.