l’Alsace et de la Lorraine contre la douloureuse cession de leur pays à l’Allemagne. C’est ce souvenir sans doute qui venait de le désigner au choix de ses collègues pour renouveler la même protestation devant le Reichstag.
« Il y a comme une ironie dans le nom même de M. Teutsch, écrivait, du Reichstag même, le correspondant particulier du Temps, et les journaux allemands l’ont relevée ; elle est « comique, » disent-ils. Teutsch, en effet, implique en allemand quelque chose de plus que Deutsch, à savoir un Allemand plus allemand que les Allemands ordinaires ; or, M. Teutsch, bien que possédant fort bien la langue allemande, est Français, Français jusqu’au bout des ongles, dans son apparence, ses manières, son langage ; il parle le français sans le moindre accent germanique et même avec certaines intonations parisiennes[1]. » Par ses opinions, M. Edouard Teutsch appartenait au parti libéral avancé, et c’est sous l’étiquette républicaine qu’il avait, trois ans auparavant, été envoyé à l’Assemblée nationale. Tel est l’homme que, d’un plein accord, ses collègues de toutes opinions, catholiques et protestans, avaient choisi en la circonstance comme leur commun porte-parole.
Au solennel rendez-vous, tous s’étaient montrés exacts. L’ouverture de la séance était fixée pour une heure de l’après-midi ; à une heure moins le quart, le groupe des Alsaciens-Lorrains pénétrait dans la salle. Non seulement, depuis longtemps, dans les tribunes, le public était en place, mais encore la salle était occupée déjà par les députés ; les membres du bureau eux-mêmes se groupaient autour du président, tous, comme aux aguets, attendant les victimes dans une atmosphère de combat.
C’est au milieu de cette hostile curiosité que M. Teutsch monta vers le fauteuil du président pour s’enquérir, au nom de ses collègues, de l’heure à laquelle pourrait venir leur affaire. Après minutieuse consultation de l’ordre du jour, le président répondit que, plusieurs autres affaires étant auparavant à traiter, la motion de MM. Teutsch et consorts ne pourrait guère venir avant trois heures et demie ou trois heures trois quarts.
Il y avait donc deux heures au moins à attendre, et ces messieurs, ne s’intéressant guère aux débats engagés,
- ↑ Le Temps, samedi 21 février.