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Japon ; il est temps que l’Extrême-Orient s’unisse et agisse, s’il veut prévenir la menace : « Le Japon croit-il, demande la Gazette de Voss, que l’Allemagne ait la mémoire plus courte que lui? Il se trompe... Nous n’oublierons pas, et le Japon pourra s’en apercevoir un jour à ses dépens, que la politique allemande peut décider de l’existence ou de la non existence de l’empire mondial japonais. » Malheur à lui, rugit le scribe, s’il ne sait pas ce dont est capable « le Grand empire d’Allemagne ! »

Ce dont il est capable, nous le savons, les cinq parties du monde le savent. L’Amérique l’a appris, comme l’Europe et l’Asie. Il ne se passe pas de semaine où, dans quelque ville des États-Unis, on ne saisisse des échantillons de son ouvrage. Il est dans les tracasseries agaçantes du président Carranza, dans la rupture diplomatique du Mexique avec Cuba, coup au jarret de la Confédération américaine. Il oblige, l’une après l’autre, les républiques de l’Amérique centrale à lui déclarer la guerre. On sent ses menées dans l’Amérique du Sud. D’être plus près de lui, on n’en est pas mieux; c’est le plus près qu’on est le plus mal. La Hollande, la Suisse connaissent ce qu’ose la tyrannie allemande. La Suède, la Norvège, le Danemark suffoquent dans le carcan. L’Espagne subit tout ensemble ses insolences et ses caresses. Il torpille ses navires, l’encombre et l’embarrasse de ses sous-marins, qui prennent ses rivages pour points d’appui et ses ports pour refuge, s’acharne à la brouiller avec nous, en l’empêchant de nous vendre ses denrées, et avec l’Angleterre, en lui enseignant, par la bouche d’un de ses généraux les plus illustres, l’art et la manière de surprendre Gibraltar. La puissance spirituelle, comme les autres, a fait l’épreuve de sa déloyauté. Le cardinal Hartmann, obéissant aux devoirs de sa charge, aux vœux de son troupeau, et sans doute aux suggestions du gouvernement impérial, avait obtenu de la Grande-Bretagne, par l’intervention du Souverain Pontife, qu’il n’y eût pas de raid d’avions sur Cologne, le jeudi de la Fête-Dieu. Ce même jeudi, à la même heure, le « super-canon » bombardait Paris; un de ses obus tombait sur une église ; et ses détonations ponctuaient les cantiques de la première Communion. Nous ne regrettons rien, nous ne nous plaignons pas. Nous disons seulement de toute notre âme : ou il y a, au ciel ou sur la terre, un tribunal incorruptible où se fait la somme de pareils crimes, et cela se paiera, ou il n’y a point de justice. Mais il y en a une, elle s’annonce, et, dans la certitude qu’elle frappera, à quoi nous l’aiderons, nous regardons, avec une fierté attendrie, monter en ascension droite la cote morale de la France...