principalement ici d’une question à régler entre la France et l’Allemagne, ou entre l’Angleterre et l’Allemagne, ou entre les Etats-Unis et l’Allemagne. Entre la France et l’Allemagne, il y a la question de l’Alsace-Lorraine, mais, entre l’Allemagne et l’humanité, il y a la question de la liberté du monde. La victoire de l’Allemagne serait la défaite de l’humanité; mais l’humanité ne saurait accepter sa défaite, et l’on n’est pas vainqueur de l’univers, s’il reste dans l’univers quelqu’un qui ne consente pas à être vaincu.
L’Allemagne s’apprêterait-elle à entendre cette vérité, qui lui sera dure? Tout n’est peut-être pas comédie dans le conflit d’opinions qui oppose, en Allemagne même, les partisans d’une « paix de conciliation » et les partisans d’une paix de puissance, ou de pure violence, ceux d’une paix modérée et ceux d’une paix forte, les Erzberger, les Dernburg, les Scheidemann, et, comme il est naturel, les Hindenburg, les Tirpitz, les Reventlow. Ce n’est pas dans l’instant où il attaque avec une fureur impatiente que l’État-major impérial et les pangermanistes dont il est l’orgueil iraient, dans le fond ou dans la forme, tempérer leurs prétentions : « Je tiens pour une de mes tâches les plus importantes, affirme Hindenburg en personne, à l’Association des Allemands des Marches de l’Est, de faire en sorte que la frontière orientale de l’Allemagne soit désormais mise à L’abri des entreprises qui l’ont menacée pendant cette guerre. ».Et il n’a pas deux solutions, une pour l’Orient, l’autre pour l’Occident. Sa politique n’est pas raffinée ; elle consiste à prendre des deux mains et de tous les côtés : c’est la paix de la botte et du sabre, de la caserne et de la caverne. L’autre, la paix dite modérée, serait la paix de la conférence et du comptoir; elle consisterait à recevoir de tous les côtés et des deux mains. Ne nous y trompons pas ; à peine serait-elle moins prussienne, ou seulement moins vieille Prusse, elle ne serait pas moins allemande que la paix forte. Elle ne s’en distingue que par une conception différente de la grandeur allemande, de l’intérêt allemand, du rôle et de l’avenir de l’Allemagne. A conception différente, jeu différent, mais le jeu seul; l’enjeu est le même : l’Allemagne au-dessus de tout. La paix forte ne voit que les succès de la guerre et se propose de les exploiter à outrance, la paix modérée prévoit les périls de l’après-guerre et vise à les écarter. L’une, pour se dire paix de puissance, s’accommoderait de tous les risques de la haine ; l’autre ne se dit paix de conciliation que pour effacer le mépris et tâcher de procurer la réconciliation. L’une est aussi dangereuse que l’autre ; ou si l’une l’est plus que l’autre, la plus dangereuse, c’est la moins odieuse,