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REVUE SCIENTIFIQUE

L’INDUSTRIE CHIMIQUE FRANÇAISE ET LA GUERRE

Au moment d’aborder ce sujet, dont dépend pourtant le sort de la France d’aujourd’hui, dont dépendra celui de la France de demain, notre pensée malgré nous s’envole passionnément vers ces coteaux de la Marne où les armées s’étreignent, où déferle la houle mouvante de la bataille. Mais nous voudrions qu’il nous fût permis d’appliquer à celle-ci le mot célèbre : « Pensons-y toujours, n’en parlons jamais. » César lui-même attendit que l’action fût terminée, avant de faire ses « Commentaires. » Il est des heures où l’acte inachevé est si solennel que le silence seul, le silence calme et confiant, est digne de sa majesté. Nous vivons de ces heures-là. Parlons donc d’autre chose…

Demain la France sortie avec honneur de cette glorieuse angoisse reprendra sa vie, sa vie où il y a tant d’âme, tant de souffle et de pensée généreusement répandue, qu’elle est comme la respiration de l’Univers, et que l’Univers ne pourrait pas plus s’en passer qu’un être vivant ne peut se passer de respirer.

Mais pour maintenir sa vie, son noble rôle idéaliste, il faudra que la France soit forte et riche, qu’elle profite des leçons si chèrement payées. Car, on l’a dit et répété, si elle fut sauvée depuis 1914, c’est grâce à un miracle d’improvisation. Ce qu’on n’a pas assez dit, c’est que cette improvisation, ce rétablissement prodigieux ont été surtout remarquables dans le domaine de l’industrie chimique. Je voudrais aujourd’hui montrer ce que les Français ont su créer là, aux semaines tragiques de la guerre commençante, dans un domaine où on avait si peu préparé l’indispensable ; je voudrais montrer aussi ce que la France de demain, la France de la paix peut et doit gagner si elle sait