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susciter des embarras à propos du conflit mexicain, afin de le mieux discréditer aux yeux des pacifistes militants ; soit qu’il exploite ou plutôt qu’il fasse exploiter par les journaux et les cinématographes, la venue de l’U. 53 dans les eaux américaines, pour faire bien connaître au peuple américain la puissance, l’efficiency de l’Allemagne jusque par-delà l’océan et l’implacabilité de la guerre ; soit encore que l’inopportune, sinon maladroite liste noire des Alliés lui permette de se révolter, au nom de l’honneur américain, contre le nouvel empiétement de l’Angleterre sur les droits américains ; soit qu’il s’acharne à susciter des conflits du travail, une grève des chemins de fer ; soit enfin qu’il exerce son intrusion dans d’autres domaines encore, — il ne cesse d’être aux aguets, et de chercher à nuire aux intérêts du Président.

Quand, en dépit d’une intense, infatigable et très habile propagande, le Président aura été réélu, alors l’attitude de l’ambassadeur changera. Une nouvelle volte-face s’accomplira. Il oubliera le mal qu’il aura tenté de faire. Il essaiera maintenant de se faire bien venir. Il multipliera les avances. Il répétera, fera redire qu’il y a eu seulement malentendu, que le Président a mal interprété ses intentions. Son gouvernement n’a-t-il pas donné preuves sur preuves de ses désirs pacifiques ? L’Allemagne veut la paix, tout de même que le Président veut la paix. Pourquoi, dès lors, ne pas essayer de s’entr’aider ? Pourquoi ne pas coordonner ses efforts en vue d’atteindre plus sûrement au but commun ? Cette paix, l’humanité tout entière la désire, l’appelle de tous ses vœux. Pourquoi tous les hommes de bonne volonté ne tenteraient-ils pas de guérir, suivant l’expression si juste du Président, « la folie du monde ? » L’Allemagne puissante, victorieuse sur tous les champs de bataille, le Président des États-Unis, puissant de toute l’immense force économique des États-Unis, n’ont-ils pas reçu la mission divine de ramener la paix, c’est-à-dire le bonheur, la prospérité parmi les hommes souffrants et égarés ?…

On a dit, et certains ont écrit, que le Président n’avait pas été insensible à la nouvelle politique allemande et qu’il avait incliné à croire à sa sincérité. Ce n’est guère probable. Une autre et toute contraire hypothèse parait être la vraie. Pour le mettre en garde contre la sincérité des avances allemandes, et même s’il n’avait possédé déjà les révélations des documents