guerre sous-marine allemande ? Mais en quoi les représailles des « Ordres en Conseil » anglais sont-ils moins inhumaines ?
Ainsi la propagande insidieuse de l’ambassadeur allemand se glisse partout. Et plus elle est perfide, plus elle affecte le ton, l’attitude de la justice, de la droiture, du bon sens, de la loyauté. C’est après un travail de cette propagande qui dure pendant tout le mois de janvier et une partie de février, lorsque l’ambassadeur croit avoir enfin ébranlé le crédit dont paraît jouir l’Angleterre auprès du Président, qu’il lance le mémorandum de la Lusitania et la nouvelle que le gouvernement allemand a décidé de traiter désormais les vaisseaux marchands, armés pour leur défense, comme des croiseurs ennemis. La manœuvre est caractéristique de la manière de Bernstorff. Ainsi, tandis qu’il annonce d’une part que l’affaire de la Lusitania va enfin être arrangée, le nouveau mémorandum déclare d’autre part que l’Allemagne est décidée à poursuivre sur une plus grande échelle les pratiques mêmes pour lesquelles le Président a demandé désaveu, excuses et promesses de réformes. Que les Alliés consentent, sur la suggestion de l’Allemagne, à enlever de leurs navires marchands les canons de protection, il n’y a certes pas à le supposer. Pour les États-Unis le dilemme se pose donc ainsi : ou bien ils devront accepter la thèse allemande et adopter une attitude nettement hostile aux Alliés, ou bien ils s’exposeront à une nouvelle et plus dangereuse controverse, toute semblable à celle de la Lusitania, avec l’Allemagne. D’un coup, et par ce mémorandum, l’ambassadeur annule la « victoire » des États-Unis dans l’affaire de la Lusitania : il opère un chantage sur le département d’État pour le forcer à insister, sous menace de conflit avec les Empires centraux, auprès des Alliés et obtenir d’eux une mesure qu’ils ne peuvent accorder. Bref, il brouille les cartes une fois de plus au mieux, pense-t-il, de ses intérêts et de ceux de l’Allemagne.
Cependant, cette fois encore, la seule éventualité qu’il n’a pas prévue est précisément celle qui se produit. Cette éventualité est la fermeté du gouvernement des États-Unis et de leur Président. Le premier, pris à l’improviste, semble d’abord hésiter. Mais il se ressaisit aussitôt. Et, dans une lettre, admirable de fermeté, il déclare que « l’honneur et le respect de soi-même de la nation sont en jeu. » La question de la Lusitania reste ouverte et sans solution. Quant à la