avertissement et le coulage avec perte de vies américaines, du steamer l’Arabic !
Le premier effet, à Washington, est de la stupeur. Le second, et qui se propage dans tout le pays avec la rapidité de l’incendie, est une immense, une furieuse révolte.
Que l’événement ait été dû à une méprise, ou bien à l’inadvertance du commandant trop zélé du sous-marin torpilleur, personne à l’époque ne l’a cru. Qu’il se soit produit à l’insu de l’ambassadeur allemand, il vient trop à point et dans un moment diplomatique trop grave pour qu’il soit permis de le penser. Qu’il ait au contraire été discuté, décidé, commandé à Berlin, sur les avis et les instances du comte Bernstorff, voilà qui, tout examiné, parait bien plus probable.
Depuis le 15 août et pour être demeuré silencieux, l’ambassadeur n’est certes pas resté inactif. Il a vivement senti le coup porté par les révélations du World. Ce coup, annoncé par le Providence Journal, l’a trouvé sur ses gardes. Il sait à qui il le doit. Il connaît, a un cent près, combien les documents ont été payés et à qui. Il a donc préparé déjà, non sa défense, mais sa parade et sa riposte. Il ne peut démentir les documents photographiés, nier l’évidence même. D’autre part, l’affaire est trop bien lancée pour qu’elle puisse s’apaiser, le bruit s’éteindre dans le silence. A laisser les choses aller, le scandale menace d’emporter tout. Il -faut avant tout agir vite et agir ailleurs.
L’attention est concentrée sur l’Allemagne : c’est de l’Allemagne que doit venir la diversion, en même temps la menace. Payer d’audace, bluffer, a été sa politique de toujours. A poursuivre cette fois encore la même politique, l’ambassadeur évitera peut-être, s’il réussit, le mortifiant rappel, voire la guerre et il pourra juger, mesurer la force de résistance de l’opinion américaine et jusqu’où le gouvernement des États-Unis est prêt à tenir le coup. Il faut, pour bien conduire le bluff, de l’assurance, du coup d’œil, une grande habitude de la feinte, un tempérament sportif, surtout de l’audace et, — plus encore, — le mépris de toute considération d’humanité. Dès qu’il a fait accepter le jeu et l’enjeu à Berlin, il fait son affaire du reste. C’est dans la première surexcitation de la partie déjà engagée qu’il a pu se laisser aller à écrire le fameux billet que l’on sait.
Il faut se rappeler la physionomie de Paris à la veille de la