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on dit que ces deux doigts, qui nous sauvèrent du désastre, furent ceux de l’ambassadeur de France, — de mettre l’Angleterre et les Etats-Unis aux prises.

Il n’attend point la fin de cette affaire pour essayer de créer d’autres embarras au gouvernement américain, de lui susciter des incidents avec les Alliés.

Nous l’avons vu déjà en coquetterie avec les pacifistes. Il prend maintenant leur cause en mains. Il la fait sienne. Bien plus, il leur montre que cette cause, c’est au fond celle pour laquelle l’Allemagne se sacrifie et combat. Il leur a dit et répété que l’Allemagne, pacifiste de cœur et de raison, avait été contrainte, par l’Angleterre conquérante, à entrer dans la guerre et, par les gouvernants belges, acquis à l’Angleterre, à envahir la Belgique. Nous retrouverons maintenant ses agents et ses porte-parole habituels activement occupés à déclarer dans tous les meetings pacifistes de l’Ouest et du Moyen-Ouest, et à faire publier par la presse Hearst, que les Etats-Unis, neutres et pacifiques, ne peuvent, sans renoncer à leur neutralité, sans outrager à la fois leur caractère national et le droit international, fournir des armes et des munitions à l’un seulement des partis belligérants, quand l’autre ne reçoit rien d’eux. Ils ne peuvent à plus forte raison fournir les armes et munitions sans rompre leur contrat de paix, sans se faire agents de la guerre, sans être responsables de la prolongation de la guerre.

Le raisonnement est à la fois insidieux et simple. Il est insidieux parce qu’il met l’État et sa responsabilité en cause et le substitue aux particuliers qui font, sous leur responsabilité propre un commerce qu’ils ont tout droit de faire. Il est simple parce qu’il semble s’adresser à la raison, au bon sens même, et qu’il peut être aisément compris des masses. Bref, c’est un raisonnement avec une apparence de raison.

Ni l’affaire des cotons, ni la propagande pacifiste, ni la campagne de presse qu’il mène simultanément, ne représentent encore toutes les intrigues nouées par l’ambassadeur allemand. Au début de juillet 1915, sa fièvre d’activité devient véritablement effrénée. Tantôt nous le trouvons fomentant des grèves dans les usines de munitions du Moyen-Ouest et de l’Ouest : il fait organiser, diriger ces grèves par son collègue autrichien, le bénévole doctor Dumba. Tantôt il dresse des plans pour s’assurer le contrôle des grandes fabriques de munitions de Bridgeport ; il