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le Mensonge du Pacifisme, qui devait, dans certains milieux, soulever des discussions à la fois si naïves et si passionnées. Bien longtemps auparavant, ici même, dans un article sur Un manuel allemand de géographie, il avait fortement dénoncé les convoitises du pangermanisme naissant, « toute une théorie naïve d’impudence, tout un système d’ambition qu’on dirait que, dès à présent, l’Allemagne s’exerce à justifier dans l’avenir. » Et tel que nous le connaissons, Brunetière ne se serait pas contenté d’avoir été trop bon prophète. Il eût mis, comme tant d’autres, généreusement sa plume au service de la Patrie ; il eût prêché l’union sacrée ; il eût éloquemment développé « nos raisons de croire » et « nos motifs d’espérer ; » il eût opposé sans relâche le traditionnel idéal français au brutal idéal germanique, notre civilisation si généreusement humaine à la barbare « culture » tudesque. Et nous avons, dans ce livre posthume, comme un avant-goût de l’inspiration qu’il eût apportée à cette œuvre patriotique : « Les événements de 1870, y disait-il, nous ont obligés douloureusement à reconnaître qu’il y a du réel, de l’objectif et de l’absolu au moins dans les affaires humaines ; que la mort, que la défaite, que l’humiliation ne sont point choses subjectives, qu’elles ne sont point des formes de l’illusion et des espèces du relatif ; et qu’autant que de sa vie propre et individuelle, chacun de nous vit de la vie aussi de tous ceux qui sont avec lui fils de la même patrie, de la même race, de la même humanité. » L’homme qui pensait ainsi en 1892 aurait, en 1914 et en 1918, combattu de tout son cœur et de toutes ses forces le bon combat de la défense nationale.


VICTOR GIRAUD.