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LE
« DIX-NEUVIÈME SIÈCLE »
DE
FERDINAND BRUNETIÈRE [1]

Il y a une trentaine d’années de cela, deux fois par semaine, le mardi et le samedi, un peu avant dix heures et demie, on pouvait voir passer rue d’Ulm, marchant d’un pas vif et pressé, la cigarette aux lèvres, une serviette bourrée de livres sous le bras, un petit homme maigre et nerveux, au teint bistré et fatigué par les veilles, à la figure énergique et âpre, au regard perçant derrière les verres du lorgnon. C’était Ferdinand Brunetière qui allait faire son cours à l’École normale. Il entrait, se promenait quelques minutes dans les couloirs, jetait son éternelle cigarette, et pénétrait dans la salle de conférences. Bien modeste salle, et qui contrastait avec les somptueux amphithéâtres que nous avons connus depuis, à la Nouvelle Sorbonne. Au fond, et sur les côtés, de longues tables avec quelques bancs où se pressaient une vingtaine de jeunes gens, bien décidés, par toute leur attitude, à vendre chèrement leurs admirations, et s’apprêtant à prendre des notes. Au milieu, une petite table avec un fauteuil de paille. Le « maître » s’asseyait, étalait ses livres, disposait devant lui quelques feuillets où, de sa grande écriture archaïque, il avait fixé un certain nombre de points de repère, et il commençait sa leçon.

  1. Ferdinand Brunetière. Histoire de la Littérature française, t. IV. Le Dix-neuvième Siècle, 1 vol. in-8 ; Delagrave.