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techniquement par l’atlas, ne viendraient pas faire concurrence à Stumm, à Bôcking et aux nouveaux concessionnaires allemands. Nos ingénieurs avaient travaillé pour le roi de Prusse ; n’est-ce pas le cas de répéter le vieil adage virgilien : Sic vos non vobis ?

Henri Böcking avait obtenu sans larder sa récompense. Le traité est du 20 novembre : dès le 1er décembre, il était nommé entrepreneur général des mines de l’État dans le bassin de Sarrebrück. Le gouvernement prussien le combla d’honneurs en même temps qu’il parvenait, comme Stumm, à une énorme fortune dans cette ville de Sarrebrück dont ces gens-là, c’est vrai, inaugurèrent la prospérité économique. Mais n’avons-nous pas le droit de dire que nous l’avions préparée ? Dans ce domaine comme dans bien d’autres, les Allemands se sont substitués à nous par ruse, trahison et violence. Sans doute nous n’irions pas jusqu’à dire qu’ils se sont enrichis avec les produits de nos mines, mais nous prétendons, le droit historique et les traités diplomatiques en mains, que le pays où sont ces mines est nôtre, car ceux qui le détiennent nous l’ont volé. Et nous ajoutons que les mines fiscales de la région de Sarrebrück, en exercice ou non encore exploitées, si elles étaient replacées entre les mains de l’Etat français, ne constitueraient que la plus légitime des reprises. Sur ces mines, on pourrait, je pense, prélever largement de quoi indemniser les malheureux français de cette région de la Prusse rhénane dont, tout récemment, les biens et jusqu’aux maisons viennent d’être confisqués et vendus aux enchères.

Henri Böcking mourut à Bonn, le 6 mai 1862, à l’âge de soixante-dix-sept ans. Il avait le titre d’Inspecteur général royal des mines (Königliche Ober-Bergrat) et il passait pour l’un des hommes les plus considérables et les plus probes du pays rhénan.

Quant aux Stumm, dont l’immense établissement de Neunkîrchen devint la maison centrale, ils pullulèrent et furent tous honorés de titre de baron. Avant la guerre actuelle, plusieurs de leurs descendants, officiers prussiens, goûtaient fort les plaisirs de Paris et venaient, presque à chaque printemps, promener leur morgue sur nos boulevards.


E. BABELON.